Jésuite en mission : un apostolat spirituel en Afrique

Le P. Jacques Fédry relate sa mission en Afrique de l’ouest, où il œuvre depuis plus de 50 ans. Il confie son admiration pour les Africains, courageux et confiants en dépit des nombreuses difficultés. « J’ai été frappé par la force de vivre, le courage. »

Courage et joie de vivre malgré les épreuves

Religieuses ignatiennes à Brazzaville

Voilà maintenant une cinquantaine d’années que je travaille dans la Province d’Afrique de l’Ouest. Depuis deux ans et demi, je suis accompagnateur au Centre spirituel Vouela à Brazzaville, avec le supérieur et directeur Raphaël Bazezibonza, congolais, et l’intendant, Emmanuel Nwowe, scolastique camerounais. Auparavant, il m’a été donné de servir dans trois autres Centres spirituels de cette Province, au Tchad, au Burkina Faso et au Cameroun.

Dans ces pays d’Afrique tant éprouvés par des guerres, des famines, des maladies, des conditions climatiques rudes, j’ai été frappé par la force de vivre, le courage. Cette joie de vivre « malgré tout » m’a bien soutenu.

Ce sens de la vie reçue comme un don précieux et précaire, suspendue à un fil, je l’ai appris pendant toutes ces années. Mais j’ai rencontré aussi la tentation fréquente du découragement : « On va faire comment ? On n’a pas les moyens ». C’est là que la Compagnie de Jésus peut apporter quelque chose de vital avec la pédagogie des Exercices spirituels pour annoncer Jésus-Christ dans la vie quotidienne en travaillant avec d’autres à la transformation de la société, pour faire le lien entre le service de Dieu et le service des hommes (ce que les nombreux mouvements de prière ne semblent guère faire).

« Vraie » confiance en Dieu

Moment de partage à Douala

Une autre tentation ici est celle de la « fausse confiance en Dieu ». « Jette-toi dans le vide, Dieu va envoyer ses anges pour te porter ». Je prie, pas besoin d’aller au dispensaire ; je prie, pas besoin de préparer mon examen, etc.

Or la vraie confiance en Dieu, ce n’est pas d’obliger Dieu à agir à notre place, c’est de mettre en œuvre les moyens qu’il nous a donnés. Dans le contexte d’une Afrique « hyper-religieuse », le discernement ignatien est précieux pour articuler prière et action, se garder d’une piété aux effets démobilisateurs et prendre sa vie en mains de manière responsable.

Discernement ignatien

La délivrance qu’on cherchait jadis auprès des nganga (guérisseurs traditionnels) pour se prémunir contre les agressions occultes redoutées par beaucoup, c’est aujourd’hui de plus en plus auprès des pasteurs des Églises du réveil, ou parfois des prêtres, qu’on l’attend. Il y a une forte demande de « prières de délivrance ».

Groupe de prière à Brazzaville

Comment répondre à cette demande sans renforcer chez le demandeur un soupçon de persécution morbide, voilà un défi pour nous aujourd’hui. Le discernement ignatien nous y aide. Nous essayons modestement d’y travailler par des « exercices » et accompagnements personnels sous diverses formes dans nos Centres spirituels. En voyant avec joie comment la grâce opère dans les cœurs pendant les retraites et les accompagnements, en espérant aussi que la conversion à laquelle nous appelons les autres se réalise aussi petit à petit en nous…

En ces cinquante dernières années, j’ai vu une Province à grande majorité européenne devenir une Province presque totalement africaine (deux Européens, français, à la dernière Congrégation provinciale). Pour les derniers Européens encore présents, il s’agit de passer le relais sans le retenir…

Jacques Fédry sj (Brazzaville)

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Article publié le 25 mars 2022

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