Jésuites au Liban

À l’unisson avec les Libanais, la communauté jésuite de Beyrouth a vécu avec beaucoup d’incertitudes la situation de guerre, marquée par d’intenses frappes israéliennes. Alors tout juste arrivé au Liban, le P. François Boëdec sj, ancien Provincial d’EOF et actuel vice-recteur de l’université jésuite Saint-Joseph, nous livre ses premières impressions.

Un membre du JRS Liban interagit avec des enfants

Ces derniers mois, le Liban a connu la guerre, subissant l’affrontement entre Israël et l’Iran, entre deux idéologies nationaliste et religieuse qui s’opposent à mort. Israël a décidé de mettre à genoux le Hezbollah qui menaçait sa frontière et qui avait, selon les plans de l’Iran, pris une place prédominante au Liban, au détriment d’un État le plus souvent absent et défaillant.

Faire face

Si la communauté jésuite de Beyrouth, ainsi que les différents campus de l’université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) dans la capitale, n’ont pas été ciblés par les frappes israéliennes qui visaient les installations du Hezbollah dans les quartiers chiites, elles ne sont parfois pas tombées très loin. Nous entendions les explosions incessantes, à la suite desquelles chacun guettait sur son téléphone les informations sur les dégâts provoqués. Au quotidien, c’était le bruit permanent des drones israéliens qui nous a accompagnés. Comme de méchantes guêpes prêtes à piquer, épiant et observant tout, surveillant nos faits et gestes. Le nombre de morts, lui, n’a cessé d’augmenter, comme celui des réfugiés, venant essentiellement du sud du pays, obligés de partir parfois sans rien. Certains ont trouvé refuge dans leur famille, dans des hôtels, d’autres ont dormi dans leur voiture ou dans des abris précaires sur le bord des routes. Plusieurs centaines de milliers d’habitants ont ainsi été déplacés. On a du mal à imaginer comment ils pourront rentrer chez eux, alors que plusieurs villages à la frontière avec Israël sont partiellement ou complètement détruits. Les ONG font un travail impressionnant. Le Service jésuite des réfugiés (JRS) et d’autres associations (Al Mazeed, CJC…) liées à la Compagnie de Jésus, sont très mobilisés.

À Bikfaya, centre spirituel jésuite dans la montagne, et dans les locaux près de notre église Saint-Joseph à Beyrouth, des réfugiés sont accueillis avec femmes et enfants.

Quel avenir possible ?

Crise politique, économique, sociale… Il est bien difficile de savoir comment les choses vont évoluer tant il y a de paramètres incertains dans la situation. Dans cette situation anxiogène, les Libanais sont courageux mais aussi inquiets et fatigués. L’affaiblissement du Hezbollah et la chute de la dictature Assad en Syrie rouvrent pourtant l’horizon. Quel avenir possible ? L’élection d’un président de la République au Liban est un petit signe encourageant. Il faut que l’État libanais retrouve toute sa place dans la vie du pays. Les enjeux sont nombreux pour une institution comme l’université jésuite Saint-Joseph (USJ), que j’ai rejointe en septembre dernier comme vice-recteur en charge des ressources humaines, au sein de l’équipe du recteur, le P. Salim Daccache, jésuite libanais. L’université fête ses 150 ans en 2025. Cette belle institution a beaucoup marqué la vie du pays.

L’USJ, un acteur majeur au service du Liban

Avec près de 11 000 étudiants dans toutes les disciplines académiques, elle espère pouvoir continuer à servir le Liban et la région. Dans ce pays chaotique, les établissements scolaires et universitaires sont parmi les dernières choses qui tiennent à peu près. S’ils s’effondrent, il ne restera plus grand-chose pour croire en l’avenir. J’essaye de trouver ma place dans cette situation : une belle aventure jésuite au plus proche de la vie de tant d’hommes et de femmes. Je médite cette phrase entendue durant les jours lourds de guerre : « Le sang se lave avec des larmes, pas avec du sang, la paix gagnera à la fin »

François Boëdec sj (Beyrouth)

Après six années comme Provincial des jésuites d’Europe occidentale francophone (2017-2023), le P. François Boëdec sj a pris un temps de retraite chez les moines de l’abbaye de Timadeuc, avant de passer six mois à l’université de Georgetown (Washington DC). Il est vice-recteur de l’université Saint Joseph de Beyrouth depuis septembre 2024.

Article publié le 21 mars 2025

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