Des jésuites en HLM ? Pourquoi ? Quels fruits ? Le P. Remi de Maindreville sj, supérieur de l’une des deux communautés de Saint-Denis, dans la banlieue Nord de Paris, témoigne de la fraternité vécue au cœur de cette ville et de ce diocèse.

Vue sur la cité Dourdin à Saint-Denis.

Pour qui vient à Saint-Denis, surtout en fin de journée, la première sensation vient sûrement des odeurs de viande et de maïs grillés qui vous accompagnent sur les trottoirs, de maisons en magasins, jusqu’à la cité Dourdin, où la communauté jésuite de Saint-Denis Basilique occupe trois appartements. Dans l’ascenseur – à supposer qu’il fonctionne ce jour-là ! – vous entendrez peut-être : « Ah ! Vous êtes avec les frères ! Et toute l’équipe, elle va bien ? Vous leur souhaiterez une bonne santé ; que tout le monde, il aille bien ! … ». Voilà qui indique une bienveillance heureuse, un bon voisinage, qui se traduit souvent, au moment des fêtes musulmanes ou chrétiennes, par des échanges de souhaits, de desserts et sucreries, parfois aussi par de petits services rendus…

L’Église « aux périphéries »

Quand, il y a une vingtaine d’années, la décision fut prise de déplacer la communauté jésuite de Bondy à Saint-Denis – où venait d’être créé le CISED – et de s’enraciner davantage dans le 93 (Seine Saint-Denis), banlieue réputée chaude et peu sûre, c’était un pari. Le pari est gagné.

Une bénévole et des étudiants lors de la fête de fin d’année du CISED à Saint-Denis.

L’aide apportée par le CISED aux étudiants de l’université Paris-VIII fut la première maille d’une histoire commune qui s’est tricotée discrètement et patiemment avec les habitants de Saint-Denis et spécialement avec ceux de la cité. La communauté s’est vu confier la paroisse Saint-Denys de l’Estrée, devenue au fil des ans, grâce aux charismes des laïcs et des jésuites qui l’animent, le foyer d’un rayonnement pastoral et social croissant, mais aussi le témoin d’une relation féconde avec les prêtres de la ville. À l’automne 2020, au moment où 3000 exilés, campant avenue Wilson, ont été dispersés – non sans quelques violences – par les forces de l’ordre, des jeunes chrétiens ont fondé « les volontaires de San Alberto », avec le soutien du jésuite de la communauté et la militance d’un laïc consacré. Depuis, chaque samedi matin, ils apportent aux nombreuses personnes qui dorment à la rue ou dans des squats boissons chaudes, nourriture, vêtements et, plus encore peut-être, conversations, services, reconnaissance.

Saint Alberto Hurtado (à droite).

Le patronage de saint Alberto Hurtado, choisi par la communauté quelques années avant sa canonisation, est ici particulièrement fécond : ce jésuite chilien ne cessait de chercher à unifier pratique pastorale et justice sociale dans sa vie intérieure, sa pensée et son action débordante. Pour cela, il alliait sa vie auprès des pauvres à un appel constant à la conversion des personnes plus riches qu’il accompagnait, les invitant à mettre leurs compétences au service des plus faibles et à faire ainsi bouger la société vers une justice plus grande. Quelque chose de cet ordre se vit ici à Saint-Denis, à travers des associations et mouvements nés dans la société ou dans l’Église. Ainsi à l’ARPEJ ou à AlphaDEP, des anciens élèves du réseau éducatif jésuite et des membres de la Communauté de Vie Chrétienne (CVX) s’investissent dans le soutien scolaire ou l’apprentissage diplômant de la langue française à des migrants dont beaucoup ont déjà une qualification professionnelle. Se tissent alors des liens précieux pour un vivre-ensemble plus apaisé et reconnaissant. C’est aussi une porte d’entrée discrète et concrète dans une connaissance plus intime des personnes, des familles, de leur culture, de leurs talents.

Une vie fraternelle nourrie des rencontres

Les jésuites de la communauté Alberto Hurtado à Saint-Denis (Basilique).

Tout cela est bien loin d’épuiser les possibilités d’engagement dans la mission à Saint-Denis ou dans le diocèse : les Exercices spirituels donnent du fruit depuis longtemps à travers l’accompagnement spirituel et les retraites dans la vie pendant l’Avent et le Carême. Plus largement, le catéchuménat, des mouvements comme le Mouvement Eucharistique des Jeunes (MEJ), le scoutisme ou le groupe dynamique des servants d’autel, ou encore des demandes sur le plan social, éthique, théologique ou spirituel sollicitent la communauté pour des besoins de formation et d’accompagnement.

Dans la vie communautaire, la mission habite concrètement et sans pesanteur nos conversations et nos partages, à travers des visages, des récits de rencontres ou d’expériences, en particulier lors du dîner et de la joyeuse vaisselle à suivre qui nous rassemble chaque soir. Et, le matin, l’eucharistie quotidienne se nourrit des intentions et de l’espérance qui habitent le cœur de chacun selon ce que la journée lui donnera à vivre et à aimer.

Si le cœur vous en dit, vous êtes les bienvenus, toujours attendus !

P. Remi de Maindreville sj
Supérieur de la communauté Alberto Hurtado à Saint-Denis

Qui sont les jésuites à Saint-Denis ?

Il y a deux communautés : celle de Saint-Denis Basilique (appelée communauté Saint Alberto Hurtado) qui réunit 8 jésuites âgés de 28 à 78 ans et celle à Saint-Denis La Plaine (Saint Pierre Claver) qui réunit 10 jésuites âgés de 27 à 84 ans.

De nombreuses associations et initiatives sur place :

• ALPHADEP propose une aide à l’alphabétisation et au développement des personnes. C’est une association composée de 25 bénévoles. 175 adultes ont été alphabétisés depuis sa création. > En savoir + (via Facebook)
• ARPEJ « Accompagne vers la Réussite les Parents et les Jeunes » : 35 bénévoles et 55 jeunes scolaires accompagnés. > En savoir +
• Le CISED est le Centre d’Initiatives et de Services des Étudiants de Saint-Denis, composé de 70 bénévoles et de 320 étudiants de 55 nationalités > En savoir +
• Diony’s Voice est un chœur de 40 jeunes (gospel, negro spirituals, jazz) > En savoir +