« La chandeleur à Marseille » – récit du P. Vincent Klein sj
Le P. Vincent Klein sj fait le récit de la procession qui a débutée le 2 février à 5h du matin à Marseille, pour accueillir l’Évangile, comme au temps des premiers chrétiens. Une tradition provençale commémorée en la fête de la présentation de Jésus au temple. « Ferveur, traditions populaires religieuses et folkloriques se mêlent pour une fête aux accents locaux et aux origines plus que millénaires. »
Après avoir pu, durant de longues années, vivre et apprécier l’octave à Notre-Dame Consolatrice des Affligés à Luxembourg, voici que je découvre l’octave de la chandeleur à la basilique Saint Victor à Marseille.
Le soir précédent la chandeleur, des groupes de jeunes se sont rassemblés à l’église Saint Ferréol pour une nuit de prière et d’adoration. D’autres groupes de jeunes se sont retrouvés dans leur établissement scolaire pour entamer ensuite une marche nocturne vers le Vieux-Port. Ainsi une cinquantaine de lycéens du collège jésuite de Provence, emmenés par le P. Charles Hervieux sj, ont bravé le froid et le fort mistral.
A cinq heures du matin, Marseille accueille l’Évangile. Il est porté par Mgr Aveline, archevêque de Marseille, qui a débarqué d’un petit bateau, une « navette », sur le Vieux-Port. Cet événement rappelle la tradition bien ancrée dans la culture provençale, de la venue de Marie-Madeleine, de sa sœur Marthe de Béthanie, ainsi que leur frère Lazare, de Joseph d’Arimathie et leurs proches, qui ont fui la persécution en Judée, ont trouvé refuge sur nos côtes et ont témoigné du Christ Ressuscité.
La présence de très anciennes communautés chrétiennes à Marseille est bien attestée, comme en témoignent les tombes paléo-chrétiennes dans la crypte de Saint Victor datant du début du 3ème siècle. Il s’agit de martyrs de la persécution sous l’empereur Dèce. Pour sa part, Saint Victor a été martyrisé sous Dioclétien en 304. C’était un soldat romain qui a refusé, à l’instar de Saint Maurice dans le Valais, de rendre le culte à l’empereur. L’abbaye qui porte son nom a été fondée par Saint Jean Cassien dans la première moitié du 5ème siècle sur l’emplacement du cimetière de la ville où étaient enterrés notamment les martyrs. A cette époque, la ville était regroupée de l’autre côté du Vieux-Port, à l’emplacement de l’actuel quartier du Panier. Jean Cassien n’a pas été que l’initiateur de la vie monastique à Marseille. Il a aussi importé de l’orient chrétien la fête de la Purification de la Vierge et de la Présentation de Jésus au Temple : la chandeleur.
Et voici que, sous un vent de mistral bien frais, la procession se met en branle avec l’Évangile et les reliques de Saint-Victor qui ont passé la nuit au Vieux-Port dans notre église Saint-Ferréol. Arrivées à la basilique Saint-Victor, les reliques sont déposées et la Vierge Noire, Notre-Dame de Confession[1], vient à la rencontre des pèlerins sur l’esplanade de l’abbaye qui offre une splendide vue sur la ville. Là, notre archevêque bénit la ville et les cierges verts que portent les pèlerins. La Vierge est habillée également de vert et c’est aussi la couleur liturgique des chasubles et étoles des prêtres. Pourquoi le vert et pas le blanc pour la fête de la Présentation ? Mais parce que le vert, c’est la couleur de la Vierge pardi ! Eh oui, peuchère ! Dont acte.
Il est 6h15. La basilique est pleine à craquer pour la célébration où sont également présents les élus de la ville et de la métropole ainsi que les autorités militaires et autres corps constitués. Autre particularité : la messe commence par le chant du gloria. Dans sa très belle homélie, Mgr Aveline nous rappelle la naissance de la foi chrétienne, fondée à Marseille sur le témoignage du sang des martyrs. Il nous parle du rôle important de Saint Jean Cassien dans le développement de la foi et des traditions monacales et liturgiques. Il prie pour les chrétiens, mais aussi pour toutes les personnes d’autres religions qui sont persécutées du fait de leur confession religieuse.
Après la messe, l’évêque se rend avec le maire dans la boulangerie juste à côté et bénit le four à navettes. Les navettes sont des biscuits secs à la fleur d’oranger (ils sont sensés tenir toute une année). La tradition veut qu’ils étaient donnés aux pèlerins après la messe. Les navettes ont la taille et la forme des navettes des métiers à tisser, mais ils rappellent surtout la barque qui a amené les saintes femmes, les saintes Marie, à bon port.
Je fais la file dans une cohue bon enfant pour acheter des navettes fraîchement cuites et bénies pour la communauté et des amis à qui je souhaite partager un morceau d’Evangile à la saveur provençale. Impossible pourtant de transmettre ici l’ambiance et les odeurs d’oranger qui semblent avoir traversé la Méditerranée en navette depuis la Terre Sainte.
Et maintenant ? L’octave est ouverte et comme à Luxembourg, un prédicateur de l’octave a été nommé par l’évêque. Chapelets, adoration et messes de et pour différents groupes et mouvements vont se succéder, à commencer ce soir par la messe pour la vie consacrée.
Ferveur, traditions populaires religieuses et folkloriques se mêlent pour une fête aux accents locaux et aux origines plus que millénaires. Joie de partager humblement ce moment avec le peuple de Dieu, humblement en marche, porté par les flots de la foi.
P. Vincent Klein sj
(communauté jésuite Notre-Dame des Missions à Marseille)
[1] Si j’ai bien compris ce que Mgr Aveline disait dans son homélie, l’origine du nom vient bien de la confession de foi par le martyre des premiers saints marseillais.
Pour aller plus loin
> Découvrez la communauté jésuite Notre-Dame des Missions à Marseille
> Découvrez le sens de la chandeleur avec le P. Tommy Scholtes sj