Du 16 au 19 octobre, les différentes cellules d’accueil et de prévention des abus des Provinces jésuites d’Europe se sont rencontrées à Paris. Comment collaborent-elles ensemble ? Le P. Grégoire Le Bel sj, assistant du Provincial, fait le point.

réunion travail abus La prévention des abus est une dimension incontournable pour chaque Province jésuite dans le monde. Comme l’ensemble de l’Église, la Compagnie de Jésus a en effet ouvert les yeux et pris conscience que des jésuites, et des collaborateurs laïcs dans des œuvres jésuites, s’étaient rendus coupables d’agressions sexuelles. Et que d’autres jésuites avaient parfois caché cela. Ces dernières années, les différentes Provinces se sont dotées d’une cellule d’accueil des personnes victimes et de prévention des abus. En plus de chercher la vérité, et un chemin de réparation quand cela est possible, chacune d’elles s’est engagée à mettre en place des démarches de prévention dans les institutions sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus, et de formation pour les jésuites, quelle que soit leur mission.

Comme d’autres réseaux européens jésuites, tels que la pastorale des vocations, de recherche en philosophie, de l’écologie ou de la communication, le réseau des personnes en charge de la prévention des abus (ou saveguarding) s’est constitué en 2020. Ce réseau est composé de femmes et d’hommes, de laïcs et de jésuites, réunis autour de deux questions essentielles : Comment faire la vérité et rendre justice aux personnes victimes ? Comment faire des lieux et institutions de la Compagnie des espaces sûrs ?

Fin octobre, le réseau bien vivant que nous formons depuis plusieurs années, avec quatre visioconférences annuelles, s’est retrouvé à Paris pour la première fois en présentiel. Douze des seize Provinces européennes étaient présentes à cette occasion.

La contribution essentielle de laïcs

Avant d’aborder le contenu de nos discussions, je souhaite exprimer ma reconnaissance à ces partenaires laïcs, hommes et femmes, professionnels du droit, de la prévention, de la médiation, qui ont choisi d’aider la Compagnie de Jésus à combattre le fléau des violences sexuelles et situations d’emprise… Ces femmes et ces hommes sont en première ligne à nos côtés. Ils souhaitent nous aider à changer, à grandir, à être davantage dans la vérité et la justice. Avant toute chose, je leur adresse mes profonds remerciements. Comme jésuite, je rends grâce pour leur présence et leur engagement sur ce terrain si douloureux et complexe.

La convivialité, pour mieux avancer ensemble

Pour notre première rencontre, l’agenda était chargé, avec des partages de pratiques ou encore des présentations de résultats d’enquêtes sur la mise en place de la « promotion d’une culture cohérente de la protection », appelée PCCP dans notre jargon. Mais le plus important fut certainement de nous retrouver et d’échanger autour d’un verre, d’une spécialité de nos Provinces ou durant une marche pour revenir d’une promenade en bateau-mouche sur la Seine… Temps pour exprimer son dégoût sur la gestion de l’affaire Rupnik ; temps pour écouter l’un d’entre nous dire sa solitude dans sa fonction qu’il cumule avec d’autres responsabilités ; temps pour trouver les moyens de faire avancer un dossier qui implique plusieurs Provinces. Au cœur de cette rencontre, nous avons célébré une eucharistie au Martyrium, sur la colline de Montmartre, lieu où les premiers compagnons jésuites ont prononcé des vœux de pauvreté et de chasteté. Un temps à prier, au cœur du cœur de l’histoire de la Compagnie de Jésus, et qui donne sens au travail minutieux, parfois ardu, souvent éprouvant, toujours incontournable, qui est effectué par les équipes en charge du suivi des personnes victimes et de la prévention.

Rendez-vous est pris dans un an afin de poursuivre notre travail de collaboration sur l’accompagnement des personnes victimes et sur la mise en place d’une culture de prévention. Pour tout cela et pour ces personnes qui ont été abusées et blessées et qui espèrent en ce chemin de vérité, vos prières sont précieuses : elles nous portent sur ce chemin de crête.

P. Grégoire Lebel sj assistant socius P. Grégoire Le Bel sj,
assistant du Provincial

Prévention et accueil des victimes dans notre Province

Dans notre Province, la cellule d’accueil et de prévention des abus est sous la responsabilité d’Agnès Delépine, en étroite collaboration avec Grégoire Le Bel sj, assistant du Provincial. Cette cellule a deux missions principales : d’une part, accueillir les témoignages des personnes victimes de jésuites et les accompagner dans leur démarche de reconnaissance ; d’autre part, promouvoir une culture de prévention dans l’ensemble de la Province auprès des jésuites, des communautés et des œuvres apostoliques.

Différentes actions ont été mises en place pour inviter les personnes victimes à prendre contact avec la cellule : une communication via la presse ou les réseaux d’anciens élèves, ainsi que des appels à témoignages précisant les faits qui ont été publiés sur le site jesuites.com.

Concernant la prévention, des formations annuelles sont organisées pour les jésuites et des protocoles ou « manières de faire » ont été élaborés et diffusés, notamment dans les centres spirituels jésuites (cf. Échos jésuites n°2023-1). Le protocole de prévention de la Province, mis en place en 2016, est en cours de réactualisation et sera complété pour tenir compte de la diversité des lieux et des personnes impliquées dans les démarches de prévention.