La Nouvelle Revue théologique, une vieille dame toujours nouvelle
Fondée en 1869, la Nouvelle Revue théologique (NRT) fait vivre le débat théologique dans tous ses domaines, de l’Écriture, « âme de la théologie » (Vatican II), au dialogue avec l’athéisme. Présente en ligne depuis dix ans, elle soutient la formation théologique, pastorale et spirituelle de milliers d’acteurs ecclésiaux dans le monde.
Créée en Belgique pour aider les prêtres de paroisse à mieux répondre aux questions de pastorale et de droit canon, la NRT est devenue assez vite une revue de référence sur les débats théologiques, notamment au moment de Vatican II. Parmi les auteurs ayant écrit dans ses pages on compte des noms prestigieux de la théologie et de la philosophie contemporaines : Balthasar, Chapelle, Congar, Daniélou, Durwell, Fessard, Feuillet, Galot, Grelot, Lubac, Malevez, Marcel, Maréchal, Martelet, Mersch, Pinckaers, Przywara, Rahner, Sesboüé, Tillard, Tilliette, Vanhoye.
Des moments marquants
Dans son histoire, la NRT est fière d’avoir été la première revue à dénoncer le caractère frauduleux des Protocoles des Sages de Sion, dans un article du missiologue Pierre Charles, en 1938. En 1939, juste avant le début de la Deuxième Guerre mondiale, un numéro était intégralement consacré à « Racisme et christianisme ». On dit aussi qu’en 1963, le pape Paul VI demanda à l’expert Gérard Philips d’y publier un texte décisif sur les « Tendances dans la théologie actuelle » pour aider les évêques à sortir des querelles entre Anciens et Modernes, et montrer la part de l’Esprit dans l’assemblée conciliaire. En 1968, c’est Gustave Martelet qui prend en charge l’explication de l’encyclique controversée Humanae vitae. En 2018, encore évêque auxiliaire à Paris, Éric de Moulins-Beaufort ose s’interroger dans la NRT : « Que nous est-il arrivé ? », ouvrant la porte aux changements dans l’Église de France devant les abus sexuels.
Aujourd’hui, la crise des institutions et des « vocations » théologiques affecte la NRT comme d’autres revues (chaque année, des revues théologiques cessent leur parution), mais la vieille dame tient bon et essaie de se rajeunir, en chacune de ses livraisons trimestrielles, et de répondre ainsi à l’appel du pape François : « La théologie en dialogue avec les autres sciences et expériences humaines revêt une grande importance pour penser comment faire parvenir la proposition de l’Évangile à la diversité des contextes culturels et des destinataires » (Evangelii gaudium 133).
Une équipe diversifiée et 50 collaborateurs
Pendant longtemps, la NRT était adossée à un lieu de formation théologique : d’abord le théologat jésuite d’Heverlee près de Louvain, puis l’Institut d’Études théologiques à Bruxelles. Ces deux institutions disparues, la NRT s’appuie sur un réseau diversifié de professeurs et chercheurs en divers lieux de France, de Belgique et d’ailleurs. Ainsi, le dernier numéro (avril 2022) propose des articles dont les auteurs travaillent à l’Université grégorienne (Rome), au Collège des Bernardins (Paris), au Centre Sèvres (Paris), à l’Université catholique de Louvain, au Studium de la Communauté Saint-Martin ou à la Faculté protestante de Bruxelles ! Une équipe de lecteurs propose des recensions de centaines d’ouvrages théologiques publiés chaque année. Plus de 50 théologiens, philosophes et chercheurs envoient régulièrement leurs comptes-rendus bibliographiques, résistant à la tentation de la « rabies theologica » (la « rage théologique », qui cherche un adversaire là où il y a d’abord un interlocuteur) et permettant au lecteur de saisir les enjeux de tel ou tel livre. C’est une autre manière d’opérer un discernement théologique sur l’actualité, à travers la littérature, en s’appuyant sur l’axiome ignatien « sauver la proposition du prochain ».
En 2022, la NRT est envoyée dans 80 pays différents, 1500 abonnés la reçoivent chaque trimestre, 6000 visiteurs la lisent chaque mois sur le site nrt.be. Une vieille dame, mais toujours nouvelle de la nouveauté du Christ !
Entendre le cri des pauvres
Dans le dernier numéro de la NRT, François Odinet, professeur au Centre Sèvres, partage ses convictions sur le processus synodal. Il conclut notamment : « L’inculturation de l’Évangile suppose la reconnaissance du « cri des pauvres ». Cette clameur, qui résonne dans l’Évangile et s’exprime différemment selon les contextes, donne elle-même un écho culturellement et socialement situé à l’Évangile. La synodalité peut expressément favoriser son écoute ainsi que l’appréhension de la sagesse des plus pauvres » (NRT 144/2, 2022, p. 246). Cette réflexion peut susciter en moi un exercice en trois points :
– Pourquoi cette insistance sur le « cri des pauvres » ? À quels passages bibliques cette expression me fait-elle penser ?
– Aujourd’hui, dans les lieux que je fréquente, ce cri se fait-il entendre ? Dans quelles circonstances ai-je été touché par la clameur des pauvres ?
– Dans mon expérience synodale actuelle, de quelle manière la parole souvent silencieuse des pauvres peut-elle m’atteindre ?
> Lire le texte de François Odinet (accès gratuit).
P. Alban Massie sj,
Directeur de la Nouvelle Revue Théologique
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Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (été 2022), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci d’envoyer votre mail et/ou votre adresse postale à communicationbxl [at] jesuites.com.
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Article publié le 15 juin 2022