La pédagogie ignatienne au service des étudiants en médecine

Aujourd’hui, quatre Centres Laennec accompagnent les étudiants en médecine en France. Au sein de ces institutions fondées par la Compagnie de Jésus, les futurs médecins bénéficient d’une formation intellectuelle, humaine et spirituelle, dans la tradition pédagogique ignatienne. C’est ce qu’explique Marc Bissuel, directeur du Centre Laennec Marseille.

« Ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie et satisfait l’âme, mais de sentir et de goûter les choses intérieurement » [1]. Il est courant de lire cette maxime bien connue de saint Ignace de Loyola dans les plaquettes de nos institutions éducatives jésuites : invitation à l’intériorisation des savoirs, à privilégier la qualité à la quantité. Mais n’est-il pas permis d’interroger le bien-fondé de l’assertion quand il s’agit des études de santé, quand on sait la masse des connaissances à maîtriser pour les examens et concours qui jalonnent le parcours universitaire de l’étudiant ?

Les Centres Laennec arborent une proposition originale, qui se démarque en bien des aspects des autres alternatives d’accompagnement. La réussite au concours n’est pas vue comme un objectif d’accomplissement mais comme une étape nécessaire dans un processus de formation et de construction de la personnalité professionnelle. La visée se situe au-delà, dans le prolongement des études : faire de chaque étudiant un professionnel de santé compétent sur le plan scientifique et technique, à l’aise dans la relation au patient (capacité d’écoute, d’empathie, de communication), capable de travailler en équipe et d’avoir une réflexion sur sa pratique et sa posture (relecture, questionnement éthique, déontologie).

Au service de cette visée, les choix pédagogiques reposent sur l’expérience d’Ignace de Loyola, autour de trois principes : exercice, accompagnement, formation humaine et éthique.

Une pédagogie de l’exercice

La pédagogie ignatienne est active et demande l’engagement de l’apprenant pour être opérante. En étude de santé, cela se traduit par la pratique très régulière d’exercices, sous forme de QCM en premier cycle, et d’entraînements selon des modalités plus variées au deuxième. Ainsi les « écuries » et « conférences », séries d’exercices conçus par des aînés qui viendront les corriger ensuite, marquent les soirées d’un Centre Laennec. L’évaluation régulière a ainsi valeur de formation, en complément des cours donnés à la faculté. Elle permet de cibler les lacunes et de concentrer les efforts sur ce qui n’est pas encore maîtrisé, pour une meilleure acquisition des connaissances et compétences.

Un accompagnement de la personne

En parallèle, chaque étudiant est accompagné personnellement et collectivement. Les entretiens individuels sont fréquents, pour faire le point sur le moral, la méthode de travail et l’avancée du projet professionnel. De l’entretien d’accueil lorsqu’il est en classe de terminale à la sixième année de médecine, l’étudiant est reçu personnellement une dizaine de fois, occasion à chaque fois de relire la période écoulée et de se projeter vers les étapes suivantes. L’accompagnateur est soit un étudiant aîné, le tuteur, riche de son expérience récente de la situation qu’il a traversée avec succès, soit un membre de l’équipe d’animation du Centre Laennec, tiers adulte qui apporte le recul et la bienveillance parfois nécessaires pour dépasser des blocages.

L’accompagnement se fait également au sein d’un groupe (de tutorat, de sous-khôlle) et par le groupe. Le collectif permet le soutien, l’entraide et l’émulation : il sert donc la réussite de l’individu qui désire cheminer avec les autres.

Une formation humaine et éthique

La formation au Centre Laennec vise l’intégralité de la personne soignante qui se construit peu à peu au long de ses années des études. Elle favorise toutes les expériences qui permettent à l’étudiant de forger sa personnalité par l’affirmation de valeurs et de convictions éthiques : tutorat d’entraide, engagement social, voyage humanitaire, etc. Les questions éthiques que posent les évolutions de société sont également abordées lors des conférences particulières faisant intervenir des professionnels de santé ou spécialistes en humanités.

Vivre la cura personalis

Pour former des personnels soignants « créateurs d’avenir porteur d’espérance », la pédagogie des Centres Laennec repose sur la confiance plutôt que sur la peur : confiance en la réussite de ses étudiants par la responsabilisation dans leur travail, par l’engagement qui va au-delà de leurs études et par la capacité à relire et discerner. Le processus d’autonomisation est rendu possible par le cadre qui y est offert (locaux, temps d’entraînements) et les personnes qui s’y trouvent (adultes, camarades). Cet accompagnement par les pairs et l’équipe d’animation préfigure la mission qui sera la leur tout au long de leur vie professionnelle : prendre soin. Un Centre Laennec est ainsi un lieu où se vit la cura personalis : expérimenter le fait d’être accompagné et le bonheur d’accompagner.

« Ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie et satisfait l’âme« , c’est de goûter intérieurement la joie de servir, et d’orienter à cette fin l’ensemble de sa personne.

[1]cf. Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, n°2.

Marc Bissuel,
directeur du Centre Laennec Marseille