« L’ambition pour chacun » : intervention du Provincial, le P. François Boëdec sj pour la rentrée académique de l’UNamur

L’Université de Namur (UNamur) a fait sa rentrée le 29 septembre avec la traditionnelle cérémonie académique. « De l’ambition pour chacun », tel était le thème choisi pour ce temps fort rassemblant les membres de la communauté éducative et les étudiants en présence du Président du Conseil d’administration, Cédric Visart de Bocarmé et de la rectrice, Annick Castiaux.

Le P. François Boëdec sj, Provincial des jésuites, s’est adressé à l’assemblée à travers une vidéo projetée pour l’occasion, soulignant les liens anciens entre l’UNamur et la Compagnie de Jésus et rappelant l’ambition des universités jésuites dans le monde : que l’éducation profite à tous et à la collectivité : « J’aime l’ambition d’une université qui se pense au service du plus grand nombre, ouverte au monde. En cela, l’U-Namur est et sera fidèle à sa mission et à son projet fondateur. Et elle saura toujours compter pour cela sur le soutien de la Compagnie de Jésus ».

Intervention du P. François Boëdec sj, Provincial

Je regrette évidemment beaucoup de ne pas pouvoir être physiquement présent avec vous pour cette rentrée universitaire. C’est toujours en effet un moment important pour se redire ensemble vers quoi nous voulons aller, et de prendre soin des liens qui nous lient. Toutes ces dernières années, j’ai eu la joie d’être présent pour partager ce moment ; cela ne m’est pas possible aujourd’hui, mais je veux quand même m’associer à vous par ce message.

Les liens de la Compagnie de Jésus, des jésuites, avec l’U-Namur sont anciens, nous le savons tous. Et j’ai eu à plusieurs reprises ces dernières années l’occasion de les rappeler.

En 1831, quelques religieux jésuites belges ont fondé ce qui allait devenir les facultés universitaires Notre Dame de la Paix, premier établissement universitaire en Wallonie non principautaire, les universités de Leuven, Bruxelles et Liège étant plus anciennes. Quel était alors le projet ? Eh bien, il était de permettre aux jeunes wallons résidant loin des capitales et des grandes villes d’avoir désormais accès à une formation de qualité. Dès l’origine, les fondateurs jésuites avaient de « l’ambition pour chacun », pour reprendre le thème de notre rentrée universitaire : prendre soin de chacun, lui permettre de grandir, de devenir compétent, et de déployer sa personnalité au-delà même de l’acquisition d’un savoir. Mais l’ambition pour chacun a toujours, depuis la fondation de l’Université, été indissociablement liée avec une autre ambition : le « pour chacun » devant se comprendre de manière collective, comme un « pour tous ». Ce projet était vrai pour Namur comme pour toutes les universités jésuites dans le monde, de Calcutta à Chicago. Cette ambition, ce projet, continuent aujourd’hui d’habiter tout le réseau jésuite. Oui, notre ambition pour chacun ne peut engendrer une concurrence entre les personnes. Il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle où, pour que l’un progresse ou gagne, il faut qu’un autre diminue ou perde. Vous le savez bien, l’éducation n’est pas une ressource limitée, ce que l’un gagne, doit profiter à tous, à la collectivité.

Près de deux cents ans sont passés depuis la fondation de l’U-Namur, et c’est bien le même enjeu qu’il s’agit de poursuivre. Nous les jésuites devenus moins nombreux mais surtout vous les acteurs de l’université, professeurs, scientifiques, administratifs, étudiants et partenaires politiques, économiques, culturels ou religieux.

Mais comment comprendre cette ambition pour chacun ? Cette question n’est pas à prendre à la légère. Et la tradition pédagogique jésuite s’est battue avec elle durant des siècles. L’ambition n’est-elle pas négative, ou au moins contradictoire avec les valeurs de l’évangile ? L’excellence ne conduit-elle pas, de facto, à la domination et l’exploitation des plus fragiles ? En un mot au pouvoir et à la puissance ? Tout comme l’argent, la connaissance et la formation ne sont-elles pas des vecteurs de domination ? La réponse est connue. L’argent, l’éducation, sont aussi de merveilleux moyens d’émancipation et de service. La pédagogie jésuite a toujours mis en avant l’excellence au service des plus fragiles. Si l’histoire a montré combien l’excellence peut devenir un critère de sélection, de fermeture ou d’exclusion, c’est toujours lorsqu’on a oublié la finalité de cette ambition pour chacun. L’excellence n’a de sens qu’au service des plus fragiles. Et aujourd’hui les plus fragiles ne sont pas loin de nous. Ce sont les migrants, les personnes âgées, les jeunes déboussolés, la terre elle-même. Tous ont besoin de votre soutien, de votre compétence, de votre excellence. Il s’agit à l’U-Namur de former des hommes et des femmes pour les autres.

Ainsi, par exemple, on a vu, – et cela m’a impressionné – combien l’expertise de l’UNamur a été déterminante dans les communications lors de la Covid. L’excellence, ici, a rassuré les communautés. Elle s’est véritablement mise au service des personnes.

« L’ambition pour chacun » n’est donc pas un mentra que chaque professeur ou étudiant doit se dire à soi-même. Non, il s’agit d’une ambition pour tous les autres, que ce soit ici à l’Université, mais plus largement nos concitoyens, et tous nos frères et sœurs en humanité, qui nous attendent car ils comptent sur nous. Oui, j’aime l’ambition d’une université qui se pense au service du plus grand nombre, ouverte au monde. En cela, l’U-Namur est et sera fidèle à sa mission et à son projet fondateur. Et elle saura toujours compter pour cela sur le soutien de la Compagnie.

Je souhaite à chacun, et à tous, une très bonne rentrée.

P. François Boëdec sj, Provincial EOF
à l’UnNamur, le 29/09/2022

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Article publié le 7 octobre 2022

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