L’arbre aux étoiles : un retable contemporain au collège Matteo Ricci, par Laurent Salmon-Legagneur sj et Xavier Dijon sj

L’arbre aux étoiles : c’est le nom évocateur du retable en papier mâché réalisé en binôme par les jésuites Laurent Salmon-Legagneur et Xavier Dijon pour le collège Matteo Ricci, à Bruxelles. Cette réalisation a été présentée à l’occasion de la rentrée 2020. Une oeuvre à contempler et un texte à méditer !

Les élèves du collège Matteo Ricci ont eu raison d’intituler leur journal
L’arbre aux étoiles
car ils sentent d’instinct que l’idéal dont ils rêvent au firmament de leur jeunesse
a besoin, comme l’arbre, des branches souterraines qui font monter la sève jusqu’au ciel étoilé.
Alors que, tout en bas,
les racines du bâtiment Matteo Ricci se trouvent dans le lycée Moshe Ben Maïmon
du nom de ce philosophe du 12e siècle
qui a voulu faire comprendre sa foi juive à ceux qui ne la partageaient pas,
tout au-dessus, plus haut que les étoiles,
la Colombe répand ses dons sur le lotus fleuri aux couleurs du collège
elle est l’Esprit qui planait sur les eaux au premier jour du monde,
elle est l’Esprit qui veut la paix en ces jours-ci du même monde,
à commencer par la paix entre les religions.

Bien sûr, comme pour l’enfant, la question est première :
D’où viens-je ? Où vais-je ? Et pourquoi ? Et pourquoi ?
Chaque Parole donne sa réponse :
le judaïsme rappelle dans la Bible l’Alliance de Dieu avec David
dont l’étoile conjoint les deux triangles du ciel et de la terre ;
le christianisme affiche dans l’Evangile la croix glorieuse
où le Verbe est allé jusqu’au bout de l’amour ;
l’Islam tire du Coran les piliers que rappellent les cinq branches de l’étoile
et le Ramadan dont le croissant de lune annonce l’heureuse fin.
Mais ces religions vivront-elles dans l’entente entre elles ?
Si l’on regarde les hommes, rien n’est moins sûr,
mais si l’on écoute la Parole dite par Dieu
au père des croyants, juifs, chrétiens et musulmans,
le double message est clair :
Abraham a entendu la promesse des trois anges à propos de la vie qui va naître :
‘Ta femme Sara te donnera un fils’ (Gn 17,19)
annonce si surprenante que la vieille femme en a ri;
le patriarche a entendu aussi l’injonction qui défend la vie contre le geste de mort :
‘Ne porte pas la main sur le garçon’ (Gn 22,12)
et le mouton de l’Aïd el-Kebir fut sacrifié à sa place.

Puisque Dieu est pour la vie et non pour la mort, que faire, alors, entre croyants,
sinon accueillir la grâce faite à chacun d’eux sous le signe de la Colombe
et laisser le très-Haut déployer, entre nous comme avec Lui, l’arc-en-ciel de l’Alliance ?

* * *

Apprendre à vivre ensemble au collège Matteo Ricci,
voilà le défi que lancent, dès l’ouverture des portes,
une jeune fille et un jeune homme portant ensemble le drapeau belge.
Outre les couleurs de la Belgique, nous sommes aussi accueillis
à gauche avec l’iris de Bruxelles, à droite par la couronne de l’Europe
mais c’est pour y vivre, d’où qu’on vienne, l’hospitalité mutuelle.
En rappel des origines des élèves et membres de l’équipe éducative
en la première année scolaire du collège,
32 autres drapeaux déploient leurs taches de couleurs tout autour de l’arbre
dans le sens horlogique :
Guinée, Burundi, Portugal, Vietnam,
Pologne, Italie, Algérie, Niger, Irak, Luxembourg et Pays-Bas, Tunisie,
Liban, Tchad et Roumanie, Grèce, Afghanistan, Espagne,
Géorgie, Rwanda, Turquie, Brésil, Togo,
Etats-Unis, Maroc, Nigeria, Ukraine, Albanie, Suisse, Mongolie,
Russie, Syrie, France, République Démocratique du Congo …
Diversité des nations, certes
mais le travail est le même, à tous les échelons de la formation :
parvenir à mettre en œuvre un monde ordonné
où toutes les cultures trouvent leur juste place.

C’est comme dans un puzzle : chaque pièce au bon endroit.
Au collège, la pièce orange rappelle l’axe sociétal et interculturel,
la bleue, l’axe citoyen et d’ouverture au monde
les deux vert-jaune, respectivement, les axes pédagogique et éducatif
le tout relié par la spirale d’or, mais mise en branle par qui ?
par l’Esprit qui invite à tout faire avec conscience et compassion.

L’italien Matteo Ricci (1552-1610) est un prodigieux témoin de ce mouvement spirituel
au cœur de l’Empire du Milieu :
compagnon de Jésus comme l’indique le ihs qu’il porte au cœur,
il a su s’imprégner à ce point de la culture chinoise qu’il fut reçu à la cour de l’Empereur lui-même
où il expliqua, habillé comme un mandarin du pays,
les merveilles des mathématiques, de l’astronomie et de la philosophie occidentale,
mais aussi de l’Evangile.
Bel exemple de compétence et d’engagement
au cœur de l’école qui porte son nom.

* * *
Au collège Matteo Ricci,
le défi de vivre ensemble jusque dans l’intériorité de l’esprit et du cœur
se relève chaque jour par une croissance continue comme celle de l’arbre :
les racines ici, les étoiles là-bas,
le drapeau par-ci, la pièce de puzzle par là.
Au rythme des leçons et des jeux, des conseils de classe et des ateliers,
les couleurs et les tempéraments s’ordonnent pour développer, avec le goût d’apprendre,
les qualités citoyennes du vivre-ensemble.
A la salle de sports, en attendant que viennent, soit les plus jeunes pour jouer à la marelle
soit les plus âgés pour se muscler aux espaliers,
le joueur de droite renversera-t-il le score en mettant un panier ?
Dans la classe de sciences, les enjeux ne sont pas moindres :
comment se comportent les virus et comment infléchir la courbe des épidémies ?
Sous le nom du savant arabe Jâbir ibn Hayyân
deux élèves apprennent les secrets de l’univers physique ou biologique.
Mais que seraient l’éducation physique et la recherche scientifique
sans la beauté de la musique ?
A propos, savez-vous lire les notes ?
De l’autre côté, dans la salle mandarine, si Roméo offre des fleurs à Juliette,
c’est pour répéter la pièce que les acteurs exécuteront au terme de leurs efforts.
Tout s’apprend : le basket et la chimie, le solfège et le théâtre,
mais aussi, en même temps cette fois, le néerlandais et l’histoire : de les van geschiedenis :
Une élève écrit 1830 (achtienhonderd dertig)
pour rappeler l’indépendance de la Belgique
mais elle expliquera peut-être ensuite que, au pays de son origine africaine, c’était plutôt vers 1960 :
ainsi, de différences en différences
toute la classe apprendra les exigences du chemin qui conduit vers l’autre.
Des racines et des ailes, de l’engagement et de l’intériorité, de la foi et du respect
oui, les élèves ont eu raison de se regrouper
sous l’arbre aux étoiles du collège Matteo Ricci.

Xavier Dijon sj
Communauté jésuite Saint-Michel, Bruxelles

À propos des artistes

arbre aux étoiles Matteo Ricci avec Xavier Dijon

Les jésuites Xavier Dijon et Laurent Salmon-Legagneur, en régence au Collège Matteo Ricci.

Entré dans la Compagnie de Jésus en 2012, Laurent Salmon Legagneur est scolastique et en régence (stage apostolique) au collège Matteo Ricci depuis 2019. Il est l’initiateur et coauteur de ce retable en papier mâché. En savoir +

Le P. Xavier Dijon sj est entré dans la Compagnie en 1963. Il a enseigné le droit à l’Université de Namur. Le modelage en papier mâché est sa passion.
En savoir sur Xavier Dijon et la technique du papier mâché (vidéo)

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