« Laudate Deum » – Éclairage du P. Marcel Rémon sj sur l’exhortation apostolique sur la crise climatique
Le pape François signe, mercredi 4 octobre 2023, Laudate Deum (« Louez Dieu »), une exhortation apostolique sur la crise climatique, huit ans après son encyclique Laudato si’. Découvrez un premier décryptage des lignes fortes de ce texte par le P. Marcel Rémon sj, directeur du Centre de recherche et d’action sociales (Ceras).
Vidéo d’introduction à Laudate Deum
Éclairage du P. Marcel Rémon sj sur l’exhortation apostolique sur la crise climatique
« Et François se fâcha et jeta les marchands en dehors du Temple ». L’exhortation sur la crise climatique porte bien son nom : il s’agit d’une exhortation, d’un plaidoyer, d’une tribune à l’occasion de la COP 28 qui aura lieu prochainement à Dubaï, dans les Émirats Arabes, grands producteurs d’énergie fossile. Laudate Deum n’est pas novateur dans le sens où de nouveaux éléments apparaîtraient dans le texte, ou dans le sens d’un changement de positionnement du pape François. Laudate Deum est, à la suite de Querida Amazonia, nouveau dans le ton du texte : il ne s’agit plus ici de rêve inspiré par les poètes sociaux, mais d’un appel prophétique à toutes les bonnes volontés.
Le texte est court (64 pages), très facile à lire, sans argutie ou long développement. Il est structuré simplement autour de (1) la réalité du changement climatique aujourd’hui, (2) de l’importance croissante du paradigme technocratique, (3) de la faiblesse de la politique internationale en ce qui concerne la crise climatique, (4) des succès et des échecs des conférences sur le climat, (5) d’un appel à un véritable engagement pour la planète à Dubaï et (6) des motivations spirituelles pour un tel combat.
Le style est celui d’une harangue, proche d’un ton apocalyptique. « En matière de climat, certains facteurs perdurent longtemps, indépendamment des faits qui les ont déclenchés. C’est pourquoi nous ne pouvons plus arrêter les énormes dégâts que nous avons causés. Nous avons juste le temps d’éviter des dégâts encore plus dramatiques. » (LD, 16)
Les climato-sceptiques et les techno-solutionnistes en auront pour leur grade. De même, les politiques et consommateurs des pays riches, qui font peser les conséquences du réchauffement climatiques sur les pays les plus pauvres. « La logique du profit maximum au moindre coût, déguisée en rationalité, en progrès et en promesses illusoires, rend impossible tout souci sincère de la Maison commune et toute préoccupation pour la promotion des laissés-pour-compte de la société. » (LD, 31) Le paradigme de la méritocratie est écorné : « La méritocratie devient facilement un écran qui renforce plus encore les privilèges de quelques-uns ayant davantage de pouvoir. Dans cette logique perverse, qu’ont-ils à faire des dommages causés à la Maison commune s’ils se sentent en sécurité sous la prétendue armure des ressources économiques qu’ils ont obtenues grâce à leurs capacités et à leurs efforts ? » (LD, 32)
L’exhortation est clairement politique. Le chapitre sur les faiblesses de la politique internationale est un appel à réinventer le multilatéralisme « d’en bas » (LD, 38) dans un monde multipolaire où chaque peuple, y compris les plus pauvres, ont droit de parole, « bref, une sorte de plus grande “démocratisation” dans la sphère mondiale pour exprimer et intégrer les différentes situations. » (LD, 43).
Étonnamment, la partie spirituelle est une reprise condensée de Laudato si’. Le seul élément novateur serait l’insistance sur l’appartenance de l’homme dans le monde des vivants, et à ce titre, appelé à se réconcilier avec le monde qui l’accueille (LD, 69).
Un texte vigoureux pour un pape en chaise roulante ! Cela décoiffe mais n’était-ce pas la caractéristique de tous les prophètes ?
P. Marcel Rémon sj, directeur du Ceras
Infographie d’introduction à Laudate Deum
Pour aller plus loin :
- Lire l’exhortation apostolique Laudate Deum.
- Découvrir la 4e Préférence apostolique des jésuites : « Travailler avec d’autres pour la sauvegarde de notre Maison commune ».
- Accéder au site du Centre de recherche et d’action sociales (Ceras).