Le 1er mars, une journée mémorielle pour les victimes de jésuites

Le 1ᵉʳ mars, une journée mémorielle a eu lieu aux Facultés Loyola à Paris pour faire mémoire et reconnaître les souffrances subies par celles et ceux qui ont été agressés par des jésuites en France et en Belgique et permettre à la Province jésuite d’Europe occidentale francophone de redire sa honte et sa désolation, ainsi que son engagement au service de la vérité et de la justice.

Journée mémorielle jésuites 2025

Cette journée a été souhaitée par le P. Thierry Dobbelstein sj, Provincial, et par des personnes victimes dans le cadre des parcours initiés avec la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) en France depuis 2022 et avec Dignity en Belgique depuis 2011.

« Il était essentiel que se tiennent cette étape de reconnaissance et cette démarche commune. Cela fait une dizaine d’années que nous recevons des témoignages et il est important que nous fassions ensemble, personnes victimes et témoins, ainsi que jésuites, mémoire des agressions subies ».
P. Thierry Dobbelstein sj.

Elle a été conçue pour et avec les personnes victimes de jésuites : un collectif d’une douzaine de personnes, victimes et jésuites, s’est retrouvé depuis octobre 2024 pour concevoir ce temps mémoriel, accompagné par un binôme de professionnels indépendants dans une démarche de co-construction. Au fil des rencontres le projet d’une journée mémorielle s’est dessiné autour de la parole des personnes victimes et faisant appel à différentes formes d’expression, notamment à l’art, pour tenter d’exprimer l’indicible.

Toutes les personnes victimes de jésuites ont été invitées à cette journée. Le 1er mars, une trentaine étaient présentes, accompagnées par une vingtaine de proches. La matinée a rassemblé 80 personnes : les victimes, leurs proches et les jésuites ayant exercé des responsabilités dans le gouvernement de la Compagnie de Jésus. Les personnes victimes qui le souhaitaient ont partagé leur témoignage sous différentes formes – texte, poème, dessin, photo – entrecoupées de quelques respirations musicales. Un temps éprouvant parce que « parler c’est revivre les agressions » mais nécessaire parce que, comme l’a rappelé Damien, une personne victime membre du collectif, « nous savons que notre parole libérera d’autres paroles ».

C’est ensemble que jésuites et personnes victimes ont ensuite partagé le repas. L’après-midi, l’assemblée s’est élargie avec la participation d’une 40aine de supérieurs et membres des communautés jésuites de France, Belgique et Luxembourg et de partenaires (CRR, CORREF, COREB, CEF, CEB).

Un temps de prière était proposé en l’église Saint-Ignace à Paris. Devant l’autel, l’Évangile de saint Matthieu a résonné : « Malheureux celui par qui le scandale arrive ». Tout au long de la journée, l’art a offert des temps de respiration et de beauté : dans le cœur de l’église une danseuse vêtue de blanc, a exécuté une chorégraphie sur le Stabat Mater de Pergolèse.

La cérémonie mémorielle s’est ouverte ensuite avec un mot d’accueil du collectif suivi d’une courte intervention du P. Thierry Dobbelstein sj, Provincial : « Ce matin, les émotions étaient fortes. Et ce n’est pas fini. Heureux ceux qui pleurent : il y a cent façons de mal comprendre cette Béatitude. En fait, Jésus veut dire : heureux ceux qui pleurent ensemble. Aujourd’hui, nous sommes ensemble et avec ».

Il a ensuite lu la lettre transmise par le P. Arturo Sosa sj, Supérieur général de la Compagnie de Jésus, évoquant « la honte et la confusion face à ce que des hommes d’Église, des jésuites ou des personnes liées à nos institutions, ont fait subir à des innocents » mais aussi « envers ceux qui n’ont pas pris les mesures nécessaires au moment de la révélation des faits tant en termes de prévention que de sanction et d’accompagnement des victimes ».

Un temps de conversation a ensuite réuni Mme Christine Boucabeille, personne victime, Patrick C. Goujon sj et Guilhem Causse sj chacun évoquant avec ses mots le poids du silence : « Faire taire le cri, c’est la pire souffrance pour la victime » a exprimé P. C. Goujon.

Dans la pénombre de l’auditorium des Facultés Loyola, quatre personnes victimes se sont ensuite levées successivement. Éclairées par un lumignon, elles ont lu leur témoignage évoquant l’emprise, les souffrances subies, la perversité des agresseurs, leurs vies empêchées.

A la suite de ces quatre témoignages, Sœur Samuelle, mosaïste victime de Marko Rupnik, ancien jésuite, a présenté une œuvre d’art, composée d’ardoises, de feuilles d’or et de petits galets. « La mosaïque permet de remettre ensemble des matières qui ont été cassées, non pas comme elles étaient avant mais en les réorganisant, en redonnant une autre dynamique ».

En conclusion, le Provincial s’est adressé aux personnes victimes et à leurs proches qui partagent le poids de la souffrance : « Je vous présente, en tremblant, une demande de pardon. Cette demande présentée n’impose ni ne force aucune réponse. Si l’irréparable ne peut être totalement réparé, que ces paroles avec les paroles et gestes de cette journée aident à rendre vos blessures supportables. Les blessures ne s’effacent pas mais je fais le vœu qu’elles cicatrisent ».

Il a tenu à rappeler l’importance de la prévention pour que ces abus et agressions ne se reproduisent plus : « Il n’y a pas que « Heureux ceux qui pleurent avec », il y a aussi « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice ». Depuis quelques années, notre politique de prévention a largement évolué pour que les institutions jésuites soient des maisons aussi sûres que possible. Je suis conscient que ce travail n’est pas terminé, mais je m’engage à le poursuivre. Sensibilisation et formation de tous les acteurs, accueil franc et ouvert des personnes qui se plaignent ou apportent leur témoignage, collaboration avec les autorités judiciaires ».

À la suite de cette journée, sont en réflexion un recueil rassemblant les témoignages et des journées mémorielles dans deux établissements scolaires en France et en Belgique.

Dans la presse

> Cathobel :  Abus sexuels dans la Compagnie de Jésus : ce samedi, les jésuites ont pleuré aux côtés des victimes

> La Croix : Violences sexuelles dans l’Église : une journée mémorielle pour les victimes de prêtres jésuites :

Article publié le 4 mars 2025

Aller en haut