« Le champ de pierre au bout du chemin » – Récit d’un jésuite en Corée
Bernard Senécal est jésuite. Présent en Corée depuis une quarantaine d’années, il a fondé il y a dix ans la Way’s End Stone Field Community (WESFC), une association qui prône le dialogue entre bouddhistes et chrétiens, rattachée à l’Institut d’étude de la spiritualité ignatienne.
Comme le faisaient saint Ignace et les premiers jésuites, il envoie depuis son pays de mission des nouvelles à ses compagnons. Voici son témoignage.
Dite « du champ de pierre au bout du chemin », cette communauté est une réponse concrète à la Lettre Encyclique Laudato si’ du Pape François, selon laquelle notre Terre malade a un urgent besoin d’être soignée. Afin de contribuer à surmonter la crise écologique qui est la cause de cette maladie et à la réinvention de la civilisation qui l’a engendrée, la WESFC propose un mode de vie ensemble constituée de trois piliers : la contemplation ; l’étude, la recherche et l’enseignement ; l’agriculture organique. Elle est œcuménique, interreligieuse et internationale, ouverte tant aux laïcs qu’aux religieux, et mixtes. Son nom vient de celui du village où elle se trouve, au fond d’une vallée, et de la nature rocailleuse de ses terres.
Depuis 2015, la WESFC est une association coréenne religieuse sans but lucratif, dont je préside le conseil d’administration. Depuis 2018, elle une communauté associée à l’Institut de recherche en spiritualité ignatienne de Corée. Quelques-uns de ses quatre-vingts membres, dont moi, y résident en permanence.
Je suis né en 1953 à Montréal, au Québec, dans un milieu catholique conservateur. Enfant, curieusement, je rêvais d’être fermier. Après de multiples détours, cet idéal s’est réalisé. En 1979, après cinq années d’études de médecine à Bordeaux, je suis entré chez les jésuites à Lyon. Dès 1982, feu Henri Madelin sj, fasciné par la situation géopolitique de la Corée – entourée par les géants chinois, japonais et russe, divisée en un nord communiste et un sud dans l’orbite des USA – m’a proposé d’y partir en mission. J’ai aussitôt accepté. Dès le début de mes études en langue et civilisation coréennes (en 1985), j’ai commencé à m’interroger sur la signification du Christ au sein d’un univers de pensée où coexistent, en interagissant, chamanisme, confucianisme, bouddhisme, sectes protestantes de toutes dénominations et nouvelles religions.
À l’instar des hommes de la Bible, Jésus de Nazareth est né et a vécu dans une civilisation agraire, en équilibre avec la nature. Aujourd’hui, comprendre plus à fond son message, afin d’aller au bout de la Voie proposée par l’Évangile, exige incontestablement une transformation radicale de nos modes d’existence.
P. Bernard Senécal sj (Corée)
Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (automne 2021), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit.
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Article publié le 13 janvier 2021