Le Cœur de Jésus habite les Exercices spirituels

Alors que le Pape François publie une lettre encyclique, Dilexit nos – Il nous a aimés, sur l’amour humain et divin du Cœur de Jésus Christ, le Père Daniel Régent sj apporte son regard sur les liens qui unissent les Exercices spirituels au culte du Sacré Cœur, et partage son propre et ardent attachement.

L’expression « dévotion au Sacré-Cœur » est consacrée par la tradition. Ma relation au Cœur de Jésus n’emprunte pas ces termes et honore peu les pratiques qui y sont associées. Elle est cependant une rencontre brûlante, un repère de ma vie spirituelle et apostolique, en particulier pour l’accompagnement dans la vie et les Exercices spirituels. Il ne s’agit pas d’une réorientation mais d’une stimulation pour mieux entrer dans la proposition d’Ignace de Loyola.

Tel est le fruit recueilli des années passées au Réseau de Prière du pape qui, dans la recréation de l’Apostolat de la Prière, articule une compréhension du Cœur de Jésus et des Exercices spirituels dans le document « Le Chemin du Cœur ». Merci aussi à Édouard Glotin sj, dont l’œuvre [La Bible du Cœur de Jésus, Presses de la Renaissance – Paris – 2007] m’a introduit au Cœur de Jésus, depuis sainte Marguerite-Marie Alacoque jusqu’aux sources de l’Évangile. Cette perspective a pris place dans ma vie, apportant saveur, lumière, élan.

Une rencontre brûlante

Associer Cœur de Jésus et Exercices spirituels n’est pas immédiat car Ignace n’y fait pas référence. Avait-il eu contact avec la mystique du Cœur de Jésus présente dans les ordres religieux dès le Moyen Âge ? Aux historiens d’éclairer la question. La mission de diffuser et de faire connaître le Cœur de Jésus, donnée par Notre-Dame à la Compagnie de Jésus via saint Claude la Colombière sj dans l’apparition de 1688 à Marguerite-Marie, sous-entendait un lien entre le Cœur de Jésus et la spiritualité ignatienne.
La revue Prier et Servir a publié « Les Exercices spirituels à la lumière du Cœur du Christ » [Avril-Juin 1988, Apostolat de la Prière – Borgo Santo Spirito – Roma]. Les articles parcourent les Exercices et notent les résonances avec le Cœur qui évoquent une relation intime avec le Christ. Je restais cependant sur ma faim. Y a-t-il besoin du Cœur de Jésus pour vivre une rencontre intime avec le Christ ?

Une lumière venue des Exercices spirituels

Or je remarquais que, dans la période du Moyen Âge, le mot mystique était souvent associé au Cœur de Jésus. J’avais pour ce mot une réserve faite de curiosité jalouse : la mystique n’est-elle pas réservée à des privilégiés qui pour cette raison peuvent être tenus à l’écart ? La littérature à son sujet évoque extases, apparitions, stigmates, etc. Il m’a fallu écarter ces images spectaculaires. Le Cœur de Jésus réclame un travail semblable : bien des raisons justifient le choix de se tenir à distance. Le sourire amusé des frères envers ceux qui font un autre choix le confirme. La mystique allait faire le lien qui me manquait entre Exercices spirituels et Cœur de Jésus.

Une lumière est venue des Exercices. « L’âme en vient à s’enflammer… » dit Ignace en parlant de la consolation [Exercices [316]. Cette grâce accomplit ce que demande le « Principe et Fondement » [Texte qui pose le fondement et le principe de la spiritualité ignatienne.] : elle rend indifférent à toutes les choses créées. La mystique révèle que la consolation accomplit l’espace et le temps et permet de se livrer sans crainte à l’incarnation que le Christ a choisie.

Autre lumière : le « colloque devant le Christ en croix », dernier temps de prière du premier Exercice spirituel, fait lever les yeux vers « le Christ notre Seigneur devant moi, placé sur la croix ». La formulation étonne. Le Christ fait écran entre moi et la croix, entre moi et ce qui symbolise toutes les dérives de la création (le péché dans toutes ses dimensions) évoquées dans la méditation qui précède ce colloque, dérives dans lesquelles je suis moi-même englué. Le Christ est source de salut. Le deuxième Exercice étire jusqu’au point de rupture l’abîme entre ma misère et l’abject de mon péché d’une part, et la miséricorde divine d’autre part. La rupture se consomme dans un cri de naissance, seconde conversion qui met en communion avec Dieu, les saints et l’univers [58-60]. Le regard mystique y contemple l’œuvre de la Trinité accomplie par le Cœur transpercé de Jésus.

Ignace introduit cela dès la première semaine qui s’adresse à tous. Le Cœur de Jésus habite les Exercices spirituels et les porte au point d’incandescence où il se révèle. Comme eux, il permet à chacun d’entrer dans la vie mystique : « Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera un pâturage » (Jn 10,9). Ignace en donne des moyens concrets. Quel message ! Quelle urgence ! Quelle responsabilité !

> Découvrir Dilexit nos – Il nous a aimés, la lettre encyclique du Pape François sur l’amour humain et divin du Cœur de Jésus Christ

Jeunes étudiants selon le Cœur de Jésus
Chaque année, depuis plus de 150 ans, une démarche de consécration au Cœur de Jésus est proposée aux élèves en classes préparatoires au lycée Sainte-Geneviève à Versailles (appelé aussi Ginette). Cette tradition reste bien vivante et visible à travers un livre ancien recueillant la signature des élèves qui vivent cette démarche. On y reconnaît, en l’année 1875, la signature d’un certain Charles de Foucauld, préparationnaire pour l’école de Saint-Cyr. On pourrait croire cette proposition désuète, et pourtant, chaque année, elle rassemble une cinquantaine de jeunes désireux de confesser personnellement et solennellement leur désir de suivre le Christ comme disciple, et de témoigner de sa compassion, comme missionnaire dans le monde. C’est le sens de cette consécration au Cœur de Jésus que je pro-pose aux élèves de Ginette. Pour s’y préparer, un « Chemin du cœur » leur offre de prier, la semaine précédant la solennité, à l’aide de la Parole de Dieu et d’intentions de prière universelle. Offrir à un jeune aujourd’hui de contempler l’amour du Cœur de Jésus dans les Écritures, c’est lui proposer un chemin d’engagement exigeant et dynamisant à la suite de celui qui est « venu pour SERVIR (c’est la devise de notre école) et donner sa vie pour la multitude » (Mt 20, 28).
P. Bruno Delaunay sj, aumônier de Ginette

Aller en haut