Le collège Matteo Ricci, une nouvelle aventure à Bruxelles

Le collège jésuite Matteo Ricci a ouvert ses portes en septembre dernier : quelque 235 élèves, âgés de 12 à 15 ans, y vivent le projet d’une éducation intégrale dans un cadre de mixité sociale et culturelle, grâce à une équipe éducative de près de 30 personnes. Deux jésuites y travaillent au quotidien : le frère Xavier Evrard y est éducateur tandis que Laurent Salmon-Legagneur, jésuite en formation (scolastique), y enseigne dans le cadre de sa régence*.

Matteo Ricci ! Ce n’est pas sur la Route de la Soie que j’ai été envoyé en régence, mais dans un quartier multiculturel de Bruxelles, à deux pas de la gare du Midi. Matteo Ricci : c’est sous le patronage de ce jésuite du 16e siècle, un des premiers missionnaires en Chine, qu’a été placé le nouveau collège de notre Province jésuite. Clin d’oeil de ce « Serviteur de Dieu » ? Pour ma régence, je suis bel et bien convié à l’aventure.

Cette aventure, c’est d’abord celle de l’enseignement. Que ce soit en Belgique ou en France, le monde des adolescents est probablement l’un des terrains apostoliques qui bouge le plus vite. Avant d’entrer dans la Compagnie de Jésus, j’avais enseigné pendant deux ans à Paris. C’était il y a huit ans. J’ai certainement mûri (pour ne pas dire vieilli) pendant ces années. Certaines choses ont aussi bien bougé chez les adolescents, notamment leur rapport au monde numérique et aux réseaux sociaux. Je découvre donc combien la pratique de l’enseignant se doit d’être, elle aussi, semper reformanda, à l’écoute des jeunes d’aujourd’hui. C’est à la fois très stimulant et en même temps parfois un peu inconfortable.

Cette aventure, c’est aussi celle de la création d’un établissement scolaire. Pendant les années de maturation du projet, le « Pouvoir organisateur » a façonné un projet d’établissement précis : c’est une carte précieuse pour garder le cap. Mais, malgré la meilleure anticipation du monde, ce qui fonde réellement un nouvel établissement se joue davantage dans la masse des grandes et petites décisions posées au quotidien. Je me sens, de ce fait, dans un laboratoire pédagogique à grande échelle et suis heureux de cette chance qui nous est donnée d’explorer des alternatives à la sacro-sainte moyenne générale ou à la stérile heure de retenue.

Pour donner un petit aperçu de notre expérimentation éducative, j’évoquerai trois mots qui mettent en lumière notre souci d’éducation intégrale (et pas seulement intellectuelle) des jeunes qui nous sont confiés.

Portfolio

À l’instar d’autres écoles en création à Bruxelles, nous mettons en place un système de portfolio. Deux fois par an, avant la remise du bulletin, l’élève relit la période écoulée et repère les joies et défis qu’il souhaite garder à l’esprit. Cette relecture englobe à la fois les dimensions pédagogiques et éducatives de la vie de l’élève dans notre collège, mais aussi la manière dont il/elle mûrit dans son ouverture au monde, aux différentes cultures et à la société. Avant la remise du bulletin, c’est l’élève lui-même qui présente ce qu’il souhaite de son portfolio à ses parents.

École citoyenne

L’éducation au vivre-ensemble passe par le souci d’éducation à la citoyenneté, clairement affiché en Belgique comme en France. Nous cherchons à créer plus d’espace pour l’expression et la participation des élèves au fonctionnement institutionnel de l’école. Choisir la musique de la sonnerie, animer des fêtes ou travailler sur le positionnement de l’école face à certains problèmes de société : ces décisions passent par la médiation du Conseil Matteo, qui réunit tous les 15 jours les délégués de classe et quelques membres de l’équipe éducative. L’expérience et l’accompagnement du sociologue et philosophe Bruno Derbaix nous sont très précieux (ecolecitoyenne.org).

Intériorité

Apprendre à connaître sa vie intérieure et à en parler est un enjeu fondamental pour des adolescents. À un âge où l’on est souvent emporté par des émotions fortes, il est bon de faire un peu l’expérience qu’on ne se construit pas seulement en acceptant ou en rejetant tout ce qui vient de l’extérieur. Au collège Matteo Ricci, cette éducation à l’intériorité trouve une place régulière dans l’horaire : 15 minutes y sont consacrées deux fois par semaine, en début d’après-midi. Elle s’appuie sur différentes traditions spirituelles, d’autant que la majorité de nos élèves ne partagent pas la foi chrétienne.

* Vous avez dit « régence » ?
La régence est une étape pendant la formation du jésuite. On y reçoit une mission spécifique relativement brève (pendant deux ou trois années). C’est une étape-clé pour l’intégration au corps apostolique et aux missions de la Compagnie de Jésus : le jeune jésuite est confronté à la réalité concrète du terrain apostolique et de la collaboration avec d’autres.

Le collège Matteo Ricci a pris son envol avec 235 élèves, répartis en trois années du secondaire. De nombreux chantiers, au sens propre comme au sens figuré, sont encore nécessaires pour permettre à notre école d’atteindre sa pleine stature, avec plus de 800 élèves dans trois ans. L’expérience est pleine de vie et même quelquefois remuante : je suis heureux d’y participer avec une équipe si chaleureuse, énergique et bienveillante.

Laurent Salmon-Legagneur sj
Scolastique en régence au collège Matteo Ricci, Communauté de Bruxelles – Saint-Michel

Photos élèves : (c) Collège Matteo Ricci / Jelle Vans

Pour aller plus loin

> Pour en savoir + ou soutenir ce nouveau collège 
> En savoir + sur les écoles jésuites en France et en Belgique

Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (printemps 2020), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci d’envoyer votre mail et/ou votre adresse postale à communicationbxl [at] jesuites.com.

En lien avec le Collège jésuite Matteo Ricci :

Aller en haut