Le pape François et la dissuasion nucléaire : un pas de plus dans la même direction
Lors de sa visite à Nagasaki et Hiroshima, les 24 et 25 novembre 2019, le pape François a fermement dénoncé la logique de la dissuasion nucléaire et récusé l’idée qu’elle puisse garantir la paix. Il poursuit en cela, tout en la radicalisant, une critique commencée par ses prédécesseurs, comme nous l’explique le P. Christian Mellon sj, intervenant au CERAS, ancien secrétaire de la Commission Justice et Paix France.
Il tranche ainsi une question âprement débattue par les moralistes dans les années 80 : si l’emploi d’une arme de destruction massive est condamné de manière inconditionnelle (c’est-à-dire même en cas de «légitime défense », comme l’affirme Vatican II), cette condamnation s’étend-elle à la menace d’emploi de cette arme ? Cette distinction entre emploi et menace d’emploi était au cœur de la justification éthique donnée par l’épiscopat français, en 1983, dans Gagner la paix. Elle est ici réfutée : si l’emploi est criminel, la menace d’emploi l’est aussi. Le document final de ce symposium précise : « L’usage et la possession des armes nucléaires méritent une condamnation puisqu’elles sont des instruments de guerre indiscriminés et disproportionnés ».
« Un crime contre l’homme et la maison commune »
Contrairement à ce qu’ont affirmé certains commentateurs, les discours du pape François à Hiroshima et Nagasaki (24 et 25 novembre 2019) n’ont pas « pris le contrepied de ses prédécesseurs ». On l’a notamment opposé aux déclarations du pape Jean Paul II de 1982, oubliant que ce pape a encore vécu 23 ans et a donné à ses représentants à l’ONU de toutes autres instructions après 1991. Cela ne constitue pas non plus une innovation par rapport à ce que le pape François a dit en 2017. Il le précise d’ailleurs explicitement dans son discours à Hiroshima : « Je désire redire avec conviction que l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est aujourd’hui plus que jamais un crime, non seulement contre l’homme et sa dignité, mais aussi contre toute possibilité d’avenir dans notre maison commune. L’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est immorale de même que la possession des armes atomiques, comme je l’avais déjà dit il y a deux ans ».
> Pour aller plus loin : Lire l’article du P. Christian Mellon sj sur la position de l’Église sur la dissuasion nucléaire et ses évolutions
Article publié le 19 novembre 2019