« L’Église 2.0 » : récit d’un jésuite en mission à La Réunion

Le P. Sébastien Vaast sj est en mission à La Réunion depuis six ans. Il est aumônier de l’Université de Saint-Denis et accompagnateur de l’Église 2.0. Présentation de cette initiative qui rencontre un bel écho chez les jeunes.

Pouvez-vous nous présenter l’initiative Église 2.0 ?

Cette initiative est née dans le souffle du Synode des jeunes. L’Église 2.0 correspond à ce renouvellement : une Église qui rejoint les jeunes avec un vocabulaire renouvelé, une manière de parler qui les touche. On s’est notamment inspiré du modèle de Lyon-Centre, avec l’église Sainte-Blandine avec mes amis du groupe de musique Glorious. Il s’agissait de faire ça à la manière créole.

L’Église 2.0 existait avant le confinement mais, comme on dit à La Réunion, elle a été « mise en l’air » avec les messes télévisées. Réunion la 1ère, qui fait partie du groupe France Télévision, nous a permis de bénéficier de ses moyens techniques et, pendant quatorze dimanches, la messe a été diffusée à la télévision, acquérant ainsi une forte visibilité.

Le nom « Église 2.0 » renvoie au monde numérique. Pouvez-vous expliciter ce choix ?

Le 1.0 c’est : je vais chercher de l’information sur Internet ; tandis que le 2.0 c’est : on communique via des outils nouveaux – les réseaux sociaux – qui renouvellent l’interaction. L’Église 2.0 c’est donc d’abord un lieu réel : une chapelle que nous avons rénovée avec les jeunes et qui bénéficie de toute la technologie numérique (tablette, de lumière, diffusion vidéo, etc.). Et c’est aussi un lieu virtuel, car nous sommes très actifs sur les réseaux sociaux avec plus de 22 000 abonné(e)s sur Facebook et 4 000 sur Instagram.

« Église 2.0 c’est ton Église » est l’un de vos génériques… Quel en est le sens ?

À mon sens, la jeunesse est ce monde où la parole adulte est mise à l’épreuve de son authenticité. Il ne s’agit donc pas de chercher à imposer ses convictions – ce que tout jeune reçoit comme une violence – mais, au nom de ses convictions, de créer des conditions de possibilité pour que l’autre, dans son histoire particulière, ait aussi accès au sens. L’idée est ainsi de remettre l’Église au centre du village, pour reprendre le proverbe. Cela signifie qu’il faut rejoindre les jeunes là où ils sont. On a tendance à faire des autoroutes bien éclairées avec des panneaux de signalisation magnifiques, mais parfois la circulation passe à côté. Or l’Église doit être là où la circulation se fait. Grâce aux réseaux sociaux, des jeunes qui n’étaient plus connectés à l’Église peuvent se reconnecter à elle.

Que proposez-vous concrètement pour rejoindre les jeunes via le numérique ?

Nous avons toute une palette de propositions :

Des « teasers » vidéos pour leur donner envie de rejoindre nos propositions, en reprenant leurs références culturelles (Koh-Lanta, Mission Impossible, Squid Game…).
Une fois par mois, avec « La Question à Monseigneur », notre évêque Monseigneur Gilbert Aubry répond à une question posée par un jeune.
Nous réalisons aussi des court-métrages, ou des « covers » qui reprennent des chants religieux connus, avec un beau clip vidéo, pour aider les jeunes à prier (« Je te donne tout » avec Missty a, par exemple, enregistré 66 000 vues), et enfin des moocs, petits modules de formation sur des thèmes comme « C’est quoi le Carême ? » ou « C’est quoi la sainteté ? » avec un ton un peu décalé. Les jeunes lisant peu, nous privilégions les vidéos courtes (maximum 3 minutes).
Et nous retransmettons toujours les messes en direct en permettant à ceux qui sont à distance de partager leurs intentions. Pour nous aider, nous avons embauché un professionnel qui travaille sur le montage des vidéos.

Regarder quelques vidéos réalisées par l’Église 2.0

Dans vos vidéos, vous faites la part belle à des « influenceurs » chrétiens. Pourquoi ?

Le but de ces vidéos c’est l’évangélisation des jeunes par les jeunes. Nous faisons ainsi des vidéos avec Joseph Gotte qui a publié le livre Vivre sa jeunesse autrement. 20 défis pour ma génération, avec la chanteuse Missty qui est très populaire sur l’île ou encore avec le footballeur Pedro Henrique Bueno. Pour moi, une vidéo de Pedro vaut dix vidéos du P. Sébastien car c’est un jeune, qui a le langage jeune, qui a vécu une conversion forte et qui est capable de toucher d’autres jeunes.

P. Sébastien Vaast sj (La Réunion)