L’encyclique Amoris Laetitia, une bonne nouvelle encore méconnue

Document majeur, l’exhortation apostolique Amoris laetitia devait inaugurer un renouveau de la pastorale du couple et de la famille. Qu’en est-il de sa mise en œuvre, notamment sur l’accueil et l’accompagnement des couples divorcés remariés ? Le P. Patrick Langue sj, enseignant et accompagnateur spirituel, apporte son éclairage sur ce sujet.

Amoris Laetitia couple Le 21 mars 2023, le pape François achève la dixième année de son pontificat. On peut affirmer que son ministère pétrinien aura été caractérisé par une grande discrétion sur les questions de sexualité et par un fort investissement en faveur du couple et de la famille.

Dès le 8 octobre 2013, il convoquait un synode extraordinaire qui se déroulerait, nouveauté significative, en deux sessions, au cours des deux années suivantes. La première fut précédée d’une intense préparation, dans un esprit synodal qui mobilisa toutes les composantes de l’Église.

Un renouveau de la pastorale du couple et de la famille

L’exhortation apostolique Amoris laetitia, fruit de ce déploiement, est un document majeur. Il préconise un meilleur discernement avant le mariage, une intensification des préparations à la vie conjugale, un accompagnement plus efficace des couples, un soutien en période de crise et, innovation féconde sinon révolution, un chemin d’intégration, au cas par cas, pour les personnes en situation conjugale complexe.

Amoris laetitia devait, de ce fait, inaugurer un renouveau de la pastorale du couple et de la famille. Pour quatre raisons, sa portée a été bien moindre qu’espéré. Tout d’abord les dubia, surmédiatisés, de quatre vieux cardinaux ultraconservateurs ont saboté la réception. La remarquable réponse des PP. Thomasset sj et Garrigue op a été, elle, sous-médiatisée. Les années COVID ont ensuite limité les réunions de mobilisation du clergé sur ces questions. Dans les pays occidentaux, les scandales qui ont éclaboussé des clercs ont détourné l’attention. Enfin, une grande partie du jeune clergé se montre distant des initiatives de Rome.

Or le chapitre 8, le plus novateur, supposait une active mobilisation des épiscopats, du clergé et des fidèles. Il concerne les personnes en situation conjugale complexe, soit que les couples de baptisés n’aient pas reçu le sacrement de mariage, soit que, mariés religieusement, les époux aient divorcé et soient de nouveau en couple. Les uns et les autres, groupes importants, sont en situation irrégulière au regard du droit canon.
Le pape François préconise pour eux, selon leur situation, au cas par cas, un cheminement en quatre temps : accueil, accompagnement, discernement, et une intégration qui peut aller jusqu’au retour aux sacrements du pardon et de l’eucharistie.

Extraordinaire bonne nouvelle pour celles et ceux qui se sont longtemps sentis marginalisés ! Nous avions tous l’ardente obligation
de la faire connaître à ces personnes en souffrance. Malheureusement, rares sont les personnes concernées qui ont été informées de cette « voie spirituelle ». La plupart des diocèses manquaient d’accompagnateurs formés ou ont tardé à les préparer.

Certains diocèses francophones ont cependant été exemplaires. Ainsi, le cardinal Piat (évêque de Port-Louis, à l‘Île Maurice) a montré, avec le soutien du P. Patrice de La Salle sj, supérieur de la communauté jésuite locale, une ferme volonté d’appliquer le schéma préconisé par le pape François. Après la rédaction de deux documents pour favoriser la réception du chapitre 8 d’Amoris laetitia par le clergé, il a donné sur ce sujet une formation intensive aux prêtres. Il a promu une information approfondie des personnes engagées dans la pastorale familiale, puis initié à la spécificité de la démarche les accompagnateurs déjà formés par les jésuites. Enfin, des conférences « grand public » ont permis de rejoindre nombre de baptisés divorcés et leurs conjoints. Les chrétiens des quartiers pauvres ont bénéficié d’une rencontre spéciale. La formation des prêtres au premier accueil et des accompagnateurs à la spécificité de la démarche se poursuit.

En savoir + sur le Guide pour préparer son mariage et parfaire sa vie conjugale

Guide pour préparer son mariage et parfaire sa vie conjugale Patrick Langue Dans cet ouvrage, le P. Patrick Langue sj s’adresse aux fiancés afin de les aider dans leur préparation à la vie conjugale, mais aussi à ceux qui les accompagnent vers le mariage. Fruit de la préparation individualisée de plus de 300 couples et de leur suivi de longues années durant, il rassemble témoignages, réflexions et questionnaires ciblés sur une grande variété de thèmes : le travail, la fidélité, les enfants à venir… Un livre à découvrir aux Éditions jésuites.

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À Manrèse, accueillir et accompagner les personnes divorcées et/ou remariées

Le Centre spirituel jésuite de Manrèse, à Clamart, a mis en place, depuis cinq ans, des propositions à destination des personnes divorcées séparées, avec un week-end pour les aider à reprendre pied devant le séisme que constitue la séparation. Elles peuvent poursuivre ce cheminement à travers un parcours « Séparé(e), divorcé(e), osez choisir la vie ! » de six samedis pour approfondir et être accompagnées dans leur démarche. Pour des couples dont l’une ou l’autre personne a vécu un divorce, Manrèse propose un week-end « S’engager dans une nouvelle union, construire ensemble un chemin de vie ». Dans l’esprit d’Amoris laetitia, en partenariat avec le Centre Sèvres, le Centre spirituel jésuite d’Île-de-France propose aussi un parcours de formation destiné aux laïcs, religieux et prêtres en situation d’accueil, d’écoute et d’accompagnement de personnes connaissant des situations conjugales complexes. > En savoir +


Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (printemps 2023), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci de consulter ce lien.

En savoir + sur les propositions des jésuites pour les couples

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