Les jésuites au Vietnam : témoignage de Pierre Alexandre Collomb sj
Le jésuite Pierre Alexandre Collomb a passé trois mois au Vietnam pour enseigner le français aux scolastiques locaux. Partageant son expérience, il brosse en quelques traits un tableau de cette Province jésuite, composée du Vietnam et du Laos.
« Pierre Alexandre, ça te tente d’aller enseigner le français au Vietnam, cet été ? » Difficile de refuser cette proposition, alors que je suis dans la grisaille de l’hiver parisien, aux prises avec la laborieuse rédaction d’un mémoire ! Quelques mois plus tard, je rejoins le P. Christian Mellon sj et deux volontaires d’Inigo Volontariat, Jacques et Alexandre, pour douze semaines de cours de français dans la banlieue d’Hô-Chi-Minh-Ville, au scolasticat, lieu de vie et d’études des jésuites en formation, de la Province du Vietnam. La Province est jeune au regard de sa pyramide des âges : 75 % des jésuites ont moins de 40 ans. La principale communauté de formation offre donc un point de vue pertinent pour comprendre la réalité de la Compagnie de Jésus au Vietnam aujourd’hui.
À Thu Duc, je découvre un scolasticat « classique ». Tous les scolastiques de la Province vivent dans une communauté qui est également leur lieu d’enseignement. Les jésuites en formation y passent généralement sept années : une année de juvénat, deux années de philosophie et quatre années de théologie. La régence, entre les études de philosophie et de théologie, vient interrompre ce temps au scolasticat et devient parfois l’occasion d’une expérience à l’étranger, comme au Laos ou aux Philippines ; quelques scolastiques vont aussi faire leur théologie à Manille. Ma première impression de la Province est donc cette unité de lieu dans la formation, qui permet aux étudiants de bien se connaître. Cela contraste avec la situation parisienne – le Centre Sèvres, la dizaine de communautés jésuites et la proportion importante de scolastiques venus d’autres Provinces. Une autre différence tient au rythme de vie. À Thu Duc, on sort peu du bâtiment du scolasticat, si ce n’est le week-end, pour l’apostolat, la détente et l’eucharistie dominicale en paroisse. De ce fait, même si les cours diffèrent, la structure de la journée est commune à tous : les temps de prière, d’étude, de sport, de repas et de repos sont marqués par le tintement d’une cloche. Surpris au début, je me suis fondu dans ce rythme communautaire et j’en ai perçu les bienfaits. Je pense notamment à la prière d’alliance (ou examen de conscience) en milieu de journée, où chacun suspend son activité pour relire l’action de Dieu dans la matinée et rendre grâce : une dynamique collective s’avère alors un soutien appréciable.
Comment animer une communauté jésuite de 80 personnes ? Il y a la dimension matérielle, avec de nombreux services communautaires – entre autres les achats de matériel, l’entretien des nombreux scooters, l’animation de la liturgie, le potager et l’élevage des grillons… Les tâches ne manquent pas. Et les talents abondent également ! Ces services deviennent alors des lieux de transmission, où ce ne sont pas forcément les plus jeunes qui apprennent des anciens. Au contact de ce compagnonnage, j’ai été heureux de voir un corps apostolique se former. Une autre illustration de cela est la conversation spirituelle, où, chaque mois, les scolastiques échangent deux à deux au sujet de l’action concrète de Dieu dans leur vie. L’apostolat des scolastiques est un bon reflet de celui de la Province. La communauté jouxte deux universités et reçoit toutes les semaines des étudiants pour des temps de prière et de partage. Cette pastorale étudiante est considérable et chaque année pas moins de 1500 étudiants sont accompagnés lors de retraites spirituelles. D’autres compagnons jésuites sont engagés auprès des plus pauvres qu’ils vont visiter. Enfin, chaque année, après le Têt, le Nouvel An chinois, les scolastiques participent à ce que l’on appelle « le mois apostolique », où ils vont servir en paroisse dans tout le pays. Ils seront notamment au contact d’ethnies minoritaires, souvent délaissées. Une fois formés, les compagnons enseignent aussi dans les séminaires et accompagnent prêtres, religieuses et religieux. Les défis pour la Compagnie au Vietnam sont nombreux. La Province fait face à de nombreuses demandes des évêques, en particulier auprès des étudiants et des ouvriers. Elle est également sollicitée par l’assistance jésuite d’Asie-Pacifique. Ces demandes interviennent alors qu’une très faible proportion des compagnons ont prononcé leurs derniers vœux. La détermination et la générosité des compagnons rencontrés est à la hauteur de ces défis. N’hésitez pas à les soutenir !
Pierre Alexandre Collomb sj,
étudiant au Centre Sèvres, communauté jésuite de Vanves
Quelques chiffres
Le Vietnam compte sept millions de catholiques pour une population de 96 millions d’habitants. La Province jésuite du Vietnam a été fondée en 2007 et comprend le Vietnam et le Laos. Elle compte 275 jésuites, dont la moitié sont en formation. La moyenne d’âge des compagnons est de 38 ans
Soutenir les jésuites au Vietnam via l’Œuvre des Missions Catholiques Françaises d’Asie et d’Afrique
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Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (printemps 2020), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci d’envoyer votre mail et/ou votre adresse postale à communicationbxl [at] jesuites.com.
Article publié le 22 avril 2020