Les mots clés d’Adolfo Nicolás à Bruxelles en 2014
Au mois d’août 2014, le Père Adolfo Nicolás était à Bruxelles à l’occasion du rassemblement « Quid agendum ». Ce rassemblement réunissait les jésuites et leurs partenaires, des deux Provinces de France et de Belgique méridionale et du Luxembourg. Une étape importante dans la formation de la nouvelle Province EOF.
Au cours de ce rassemblement le Père Nicolás nous a délivré quelques « mots clés ».
Premièrement, je suis heureux d’être venu, pour voir, sentir, prendre part à cette rencontre si bien préparée. J’ai pris note de quelques mots clés que je vais vous présenter. Des mots clés qui m’ont fait réfléchir moi-même.
Le premier mot-clé est « Réalité »
Parce que je crois que tout processus ignatien commence toujours dans la réalité !
- La réalité est toujours le principe du discernement
- C’est dans la réalité que nous pouvons rencontrer Dieu
- C’est dans la réalité que Dieu nous guide, réalité qui est politique, économique, démographique, etc.
Le deuxième mot est « Processus » … « Process » en anglais
Rien d’important ne se passe instantanément (l’“instant food”, ce n’est pas très bon pour la santé !). Tout ce qui a de la profondeur, tout ce qui est réel, prend du temps, … comme la messe qui prend son temps ! Alors on voit, ici, dans les deux Provinces que vous pensez au processus, et je crois qu’il est excellent et bien préparé.
Quand on voit une personne d’une autre culture comme personne, alors tous les préjugés s’en vont, – parce qu’on on voit la Personne ! Aux Philippines, on m’a raconté l’histoire suivante. Le père avait un partenaire américain qui venait pour travailler avec lui. Les enfants jouaient dans la maison. Un cousin est venu ; il a ouvert ouvre la porte et a aperçu cet Américain, il s’est tourné et il a dit : « Il y a un étranger là ! » L’enfant de la maison est étonné : « Un étranger ? » Il ouvre la porte, regarde et s’écrie : « C’est pas un étranger, c’est Charlie ! » Pour l’enfant, c’était une personne concrète. Le préjugé s’éduque quand on ne connaît pas ! Pour des raisons politiques ou pour des raisons égoïstes, on parle de typologie, on parle des personnes comme d’un pays : « ceux qui vient de ce continent, de ce pays sont comme cela » Mais on ne connaît rien de la personne !
Le troisième mot-clé, est « Créativité »
Il est très clair que nous avons besoin de créativité, car la réalité est très complexe. Les choses changent, alors nous devons créer de nouvelles structures. Le problème vient souvent du fait que nous ne sommes pas créatifs, et alors nous pensons à des réalités nouvelles avec des concepts d’avant et naturellement nous avons des problèmes ! Il faut créer à nouveau, mais ce n’est pas une création ex nihilo, ce n’est pas une création de rien, on ne commence jamais à zéro. Nous avons une histoire, nous avons des principes profonds, nous les appelons ignatiens.
Mais comment adapter cela pour répondre à une réalité nouvelle. Cela requiert une créativité et une imagination que peut-être nous ne développons pas suffisamment. Nous avons besoin de Créativité pour la coopération. Nous avons besoin de créativité pour la communication. Nous avons besoin surtout de nouvelle manière de gouvernance
Nous avons senti combien l’Europe est vulnérable et faible : nous n’avons pas encore en nous le sens d’être européen, ou bien ce sens est faible ; il y a une faiblesse dans la réalité humaine qu’il faut affronter avec créativité.
Je crois que la créativité est importante : je crois que saint Ignace serait le premier à changer le système parce que on ne peut continuer avec le même système plus de 500 années.
Le quatrième mot-clé est « Sagesse », clé pour l’Église
Nous avons besoin de sagesse, une sagesse qui va au-delà du dogme au-delà du langage traditionnel auquel nous sommes habitués, une sagesse qui vient de l’Asie, qui vient de l’Afrique, une sagesse qui vient des pays ou de culture où nous ne sommes pas !
Un évêque japonais, parlant de la difficulté de l’évangélisation dans son pays, expliquait : « Jésus a dit, “Je suis la Voie, la Vérité et la Vie”. » Or les spiritualités asiatiques sont plutôt du côté de la Voie : non pas « que » faire mais « comment ? », « comment se concentrer… ». Toutefois les missionnaires, plutôt européens, ont davantage parlé de la Vérité. Et ainsi nous ne nous sommes pas rencontrés ! C’est un problème que nous avons à résoudre !
Après mes nombreux voyages, je crois que :
- L’Europe et l’Amérique du Nord sont davantage préoccupés par la Vérité : comment la définir, comment l’exprimer,…
- L’Asie, est davantage préoccupée par le Chemin, la Voie.
- Quant à l’Afrique et à l’Amérique latine, elles sont davantage du côté de la Vie. Ils ont des valeurs que nous avions en Europe, que nous sommes en train d’oublier : les valeurs de la famille, de l’amitié, de la fidélité aux autres.
Alors nous avons besoin de tous. L’Europe a besoin de l’Afrique, l’Europe a besoin de l’Asie pour être humain… Cela nous ouvre à des questions nouvelles : c’est la sagesse de l’humanité dont nous avons besoin.
Le cinquième mot-clé est « Imperfection »
Il n’y a pas de solution parfaite, alors : nous devons travailler dans l’imperfection et nous trouverons des solutions à des problèmes concrets. Mais cette solution crée de nouveaux problèmes, alors comment vivre dans l’imperfection, comment vivre dans le processus, dans le process ? Cela requiert une maturité pour laquelle la spiritualité ignatienne peut aider ; parce que c’est une spiritualité de croissance, jusqu’à arriver au Christ.
Je cite le Pape, qui parlait de la famille, à Saint-Pierre ; il a dit : « Naturellement il n’y a pas de famille parfaite ; il n’y a pas de père parfait, pas de mère parfaite et naturellement, il n’y a pas de belle-mère parfaite ! » Et tout le monde a ri et, dans cette atmosphère, il a ajouté : « Mais naturellement je n’ai pas de belle-mère ! … mais, tous les jours, je lutte avec le diable ! »
La réaction a été comme ici : ils ont ri ! – peut-être que les belles mères protesteront auprès du Pape
Le sixième mot-clé est « Nouvelle inculturation »
La culture que nous avions dans le passé était une « culture mono culturelle », d’une manière ou d’une autre. Mais maintenant c’est l’interculturalité qui est la réalité normale de nos sociétés. Alors il faut trouver une manière de vivre créativement cette situation, de vivre positivement dans les milieux pluriels, interculturels où nous sommes. L’Europe est, je crois, le contexte où cela se passe.
Le septième mot-clé c’est « Les pauvres »
C’est le dernier mot-clé, mais ce n’est pas la fin; car ce mot affecte tout: les pauvres comme inspiration, comme horizon, comme ligne de l’horizon où nous cherchons des services. Une société qui doit trouver une place, des places avec dignité pour tous : les pauvres et les autres.