La petite Nativité avec les anges de la Curie générale des jésuites à Rome : une vraie curiosité !

 Peinte par un anonyme flamand, La Nativité avec les anges (vers 1595), est une huile sur toile et se trouve à Rome, à la Curie générale de la Compagnie de Jésus. Cette toile est conservée depuis au moins 1945 à Rome, mais sa provenance n’est pas connue. Les commentaire ci-dessous proviennent de M. Denis Lavalle.

Nativité avec les anges

La petite Nativité avec les anges de la curie générale des jésuites mérite d’être mieux connue. Incontestablement, elle se situe dans le monde d’images nordiques et germaniques qui fournit dans la seconde moitié du XVIème siècle beaucoup de solutions nouvelles aux représentations religieuses réclamées par la Contre­-Réforme.

Dans la recherche de modèles innovants que les jésuites s’efforcèrent de proposer autour des premiers décors du Gesù, ils accordèrent une place non négligeable aux artistes flamands et germaniques. Une célèbre Nativité de Hans von Aachen vint se placer sur l’autel d’une chapelle dédiée à la naissance du Christ. Une autre, consacrée au culte du Cœur de Jésus, proche du sanctuaire, reçut vers 1599 tout un cycle peint traitant de l’histoire de saint Francois : œuvre de l’Anversois Maarten Pepjin et de ses collaborateurs, ce fut le prétexte à une suite de paysages très inventifs.

C’est dans cette atmosphère stimulante qu’il faut situer La Nativité avec les anges. D’autant qu’elle n’est pas non plus sans refléter la richesse de création de certaines estampes pieuses demandées par la Compagnie aux ateliers d’Augsbourg ou d’Anvers, voire à quelques illustrateurs de génie séjournant à Rome, tels Cornelis Cort ou Aegidius Sadeler. On peut même se demander si elle ne tire pas l’essentiel de son imaginative disposition d’une gravure aujourd’hui inconnue mais qui aurait pu circuler dans la Rome des années 1570-1590.

L’étagement des scènes sur lesquelles est en effet bâtie La Nativité au travers de l’enrochement et de la grotte où l’Enfant Jésus est présenté aux anges n’est pas sans se rapprocher d’un certain nombre de compositions du même type qui circulèrent par l’estampe dans les ateliers romains. Dès 1567, Taddeo Zuccari avait ainsi donné des modèles de Nativité mis en place à partir de successives architectures. Et l’on ne doit pas oublier que plusieurs tableaux de Spranger, de Heintz ou d’Aachen, s’attachant au même thème, furent immédiatement célèbres.

Mais le tableau de la curie des Jésuites peut aussi être le rappel de certaines mises en scène sacrées restées mémorables. Car une part de la sensibilité religieuse développée par la Compagnie s’exprima très tôt au travers de cérémonies importantes. Dès 1590-1595, alors même que plusieurs des décors des chapelles du Gesù n’étaient pas encore terminés, d’ingénieux dispositifs se trouvèrent proposés lors de l’adoration du Saint-Sacrement ou pour les heures de prières dédiées à la passion du Christ. Il est certain que La Nativité avec les anges présente une sorte de mise en page théâtrale dont l’idée pourrait venir de ces présentations éphémères.

Il n’en reste pas moins que les effets contrastés de ses éclairages, l’incisif rendu de ses personnages, font de La Nativité un morceau de peinture très attachant par l’essentielle imagination nordique qu’ils révèlent. Cette petite toile ne serait­-elle pas alors le souvenir d’une œuvre plus vaste qui aurait eu toute sa place dans un des premiers décors du Gesù ? L’église fut célèbre pour ces séries de tableaux insérés dans les boiseries couvrant une grande partie des murs des chapelles. La composition, en tout cas, n’a pas été ignorée du milieu artistique touchant au chantier de l’église des Jésuites.

Un disciple de Scipione Pulzone, l’a ainsi répétée pour un grand tableau qu’il exécuta vers 1600 pour la chapelle des Anges de Saint-Louis-des-Français. Sans doute en a-t-il calmé la part septen­trionale en lui substituant la volumétrie dense héritée de son maître. Il n’empêche qu’une pareille reprise démontre la réelle importance que dut avoir La Nativité. La petite toile de la curie générale garde bien le souvenir d’une création déterminante, probablement attachée aux premiers temps de la reconnaissance de l’ordre à Rome.