Noël auprès des « intouchables, des pauvres et des enfants » : témoignage du P. Pierre Ceyrac
Parti comme missionnaire en Inde à l’âge de 23 ans en 1937, le P. Pierre Ceyrac est décédé en 2012. Dans un entretien à Croire.com, il racontait comment à 89 ans, il poursuivait son action auprès des « intouchables, des pauvres et des enfants ».
Bertrand Révillion : Père, vous vivez en Inde depuis 1937. Vous y avez donc vécu plus de soixante-cinq Noëls ! Quel est celui qui vous a le plus marqué ?
Père Ceyrac : Comment choisir ! J’ai eu, au cours de mon existence de missionnaire, tant d’occasions de me réjouir de Noël, de voir le bonheur de la Nativité se refléter dans tant et tant de regards d’enfants, d’hommes et de femmes…
Le souvenir qui me revient spontanément en vous parlant est celui d’un Noël très particulier qui s’est déroulé, non pas en Inde, mais sur un bateau, en pleine mer. Après plus de dix ans d’absence, je rentrais dans ma famille, en France, pour quelques jours. Sur le bateau, il y avait de nombreux soldats qui rentraient d’Algérie où la guerre faisait rage.
J’étais un jeune prêtre, le seul à bord, et le commandant m’a demandé de monter sur le pont à la rencontre de ces hommes dont un certain nombre d’entre eux souhaitaient parler à un prêtre avant la messe de minuit. Pendant plusieurs heures, j’ai écouté les confessions de ces légionnaires qui avaient pratiquement tous du sang sur les mains. Ils me confiaient des histoires horribles avec, au fond du cœur, un sentiment terrible de culpabilité. Après leur avoir donné l’absolution, chacun d’entre eux me serrait longuement la main en me remerciant chaudement. C’est ce jour-là que j’ai le mieux compris la grandeur extrême du sacrement de réconciliation…
B.R. : Dieu pardonne, malgré tout ?
Personne n’est jamais trop loin de Dieu et ce n’est jamais trop tard. Dieu est toujours là et son amour est inconditionnel, quoi qu’on ait fait… Dieu aime chacune et chacun d’entre nous « à la folie » : c’est cela le message de Noël…
B.R.: Parlez-moi de Noël…
Noël, c’est d’abord pour moi le temps de l’Avent. En Inde, nous sommes encore dans le temps de l’attente : plus d’un milliard d’Indiens ne connaissent pas encore Jésus Christ. Il y a à peine 45 millions de chrétiens, toutes confessions confondues. Je vis donc sur une terre qui attend encore l’avènement du Seigneur. Quelle que soit notre croyance, nous marchons toutes et tous vers ce « point oméga » si bien décrit par le jésuite Teilhard de Chardin. Un jour, l’humanité entière saura que Dieu l’aime à la folie…
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Article publié le 22 décembre 2021