Notre-Dame : une messe de réouverture sous le signe de la communion (interview de Guillaume Rossignol)
Guillaume Rossignol, directeur de JRS France, raconte la messe de réouverture de Notre-Dame le 8 décembre, un moment fort de communion, d’inclusion et de renaissance, partagé avec des personnes exilées accompagnées par l’association.
TK : Que faisiez-vous à Notre-Dame dimanche matin ?
GR : Nous étions sept personnes de JRS : cinq personnes exilées, Carlos, Ulrich, Tilakshan, Ashen, et Sean, et deux membres de l’équipe (la responsable de JRS Jeunes et moi-même). Nous avons été invités par le diocèse de Paris. Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, a tenu à ce que, pour la messe d’ouverture, il n’y ait pas seulement des invités officiels comme les chefs d’État, mais que la cathédrale soit également ouverte à des personnes en situation de précarité. Il a donc réservé 150 places à des bénéficiaires d’associations parisiennes œuvrant dans le champ social.
TK : Qu’avez-vous pensé de cette invitation ?
GR : J’ai trouvé cela magnifique ! Cela montre que la cathédrale est ouverte à tous et pour tous, que chacun y a pleinement sa place. Pour moi, c’est un signe très fort.
On a beaucoup à apprendre des personnes exilées. Pour certains, leur foi les aide à tenir debout face à la tempête qu’est parfois leur vie. Les inclure, c’est reconnaître qu’ils font pleinement partie, au même titre que les autres, du peuple de Dieu. Ils nous précèdent même. Cette invitation en est une belle illustration.
TK : Qu’avez-vous ressenti durant cette première messe ?
GR : Tout d’abord, pour accéder à la cathédrale, ce n’était pas simple : il y avait des contrôles de sécurité et nous avons dû attendre sous la pluie. Symboliquement, cela m’a fait penser aux chemins qui nous ont conduits jusque-là. Celui de reconstruire la cathédrale, et d’autre part, pour les personnes exilées que j’accompagnais, ce n’était pas un parcours linéaire non plus. Cela m’a fait penser au texte du jour : « Redressez les chemins tortueux », « tout homme verra le salut de Dieu »… C’était exactement ce que nous vivions : nous étions sous la pluie et le vent, mais nous allions entrer dans la cathédrale.
Il y avait une effervescence palpable et une diversité impressionnante des personnes présentes, toutes fières et heureuses d’être là. Nous avons tous partagé ce sentiment d’émerveillement. C’était un beau signe de communion, à un moment où l’on parle souvent des difficultés à vivre ensemble ou de polarisation. Cette célébration réunissait des gens de tous horizons.
Pour recoudre et reconstruire le parcours de personnes blessées par l’exil, il faut bien plus de cinq ans. Mais cela passe aussi par de petites choses, comme permettre à ces personnes de vivre des moments comme celui-ci. Il y avait une dimension de renaissance, à la fois pour Notre-Dame et pour ces personnes. Cela contribue à reconstruire un chemin de vie pour chacun. Dans une perspective chrétienne, c’est le sens du chemin vers Noël. Pour les personnes exilées, c’était une étape importante : elles ont pleinement participé à un événement collectif où elles étaient attendues et avaient toute leur place. Cela m’a procuré beaucoup de joie.
TK : Avez-vous un attachement personnel particulier à la cathédrale de Notre-Dame ?
GR : C’est une très belle église, mais c’est surtout la cathédrale des pauvres. À titre personnel, quand elle a brûlé, j’ai vu l’incendie depuis le bureau de mon ancienne activité professionnelle. À l’époque, je n’avais pas encore changé de métier (j’étais avocat). D’une certaine manière, j’assiste aujourd’hui à la renaissance de Notre-Dame dans un autre moment de ma vie. Entre l’incendie et aujourd’hui, un grand changement s’est opéré pour moi : je me suis engagé avec JRS, et je mesure à quel point ma vie en a été transformée.
Pour aller plus loin :
Article publié le 13 décembre 2024