P. Aimé Duval sj : le « Brassens en soutane »
À l’occasion du quarantième anniversaire de la mort d’Aimé Duval, jésuite, auteur, compositeur, interprète et guitariste, le Réseau ignatien de Nancy a organisé une commémoration le 28 avril 2024. Laurence de Kersabiec, membre de l’équipe d’animation de ce réseau, a recueilli des témoignages des proches d’Aimé Duval et revient sur cette figure marquante.
En réalité, il ne cherchait pas la célébrité. Avec sa soutane, sa guitare et ses petites chansons, il s’invite d’abord au comptoir des bistrots : là, il s’attablait, commandait une bière et engageait la conversation. Au fond, l’épisode de la Samaritaine revisité ! Tutoyant tout le monde, il parlait de Jésus Christ et des « choses de la vie ». Du sens de notre présence sur terre aussi. Bréviaire de comptoir ! Fascinant ! Attentif, il écoutait les gens, leurs difficultés à croire ou à vivre. Sortir. Aller à la rencontre, poser un regard bienveillant, aimant sur celle ou celui qui croise son chemin, comme un certain « Monsieur Jésus Christ » en son temps ! L’homme en soutane, au bout d’un moment, prenait sa guitare et se mettait à chanter, à évangéliser par ses refrains. Il disait : « je chante Jésus Christ qui vous sauve, qui me sauve ».
Que nous reste-t-il du P. Aimé Duval aujourd’hui ? Son livre bien entendu (L’enfant qui jouait avec la lune, aux Éditions Salvator) témoignage poignant sur le drame de l’alcoolisme, le difficile chemin de la guérison, mais également cri d’amour pour « Monsieur Jésus Christ ». Ses chansons dont les textes n’ont pas pris une ride et que l’on peut toujours écouter sur les plates-formes d’écoute… Il nous reste ses amis, des anonymes qui sont venus nous parler de lui en ce 28 avril, à Nancy, marqués à jamais par l’empreinte que le P. Aimé Duval sj a laissée en eux.
Laurence de Kersabiec,
membre de l’équipe d’animation du Réseau Ignatien de Nancy
Témoignages de participants à propos du P. Aimé Duval sj
Le P. Jean de Longeaux sj, nonagénaire, dernier jésuite ayant vécu en communauté avec Aimé Duval à Nancy jusqu’à sa mort
« Oui je me souviens très bien du Père Aimé Duval, avec lequel j’ai vécu les dernières années de sa vie ; nous nous entendions bien. Jusqu’au bout, il a été fidèle aux Alcooliques Anonymes et participait régulièrement aux réunions de son groupe. […] Un détail exprimant son côté facétieux dont je me souviens : un jour où il était hospitalisé, comme nous allions lui rendre visite et que nous lui demandions ce que lui disait le docteur, il nous a répondu que ce dernier était passé la veille, accompagné de quelques étudiants et commençait à leur parler directement des soins qu’il prodiguait, mais le P. Duval l’avait interrompu : « Vous savez, Docteur, que vous avez le droit de me dire bonjour ». Le lendemain ou deux jours plus tard, nous lui demandions si le docteur était revenu : « Oui, il est entré et m’a dit : Bonjour Monsieur Duval… »
Denise, propriétaire d’un bistrot que fréquentait Aimé Duval
« Quand Aimé Duval nous parlait de Teilhard de Chardin ou d’une quelconque théorie de théologie, on n’avait pas l’impression d’être devant un curé » prechi precha » ! Il buvait sec, et quand il s’enflammait un peu sur sa propre obédience qui était loin d’apprécier ses pratiques « marginales » et sa façon de vivre, y compris le chant, tout cela considéré comme révolutionnaire, c’était grandiose et instructif ! Cette liberté, ce manque d’hypocrisie et surtout cette grande érudition, nous enchantaient toujours. (…) »
Gaëtan de Courrèges, prêtre, auteur et compositeur de chants liturgiques, qui s’est mis à la guitare en entendant Aimé Duval
« Aimé, ce soir, je voudrais te remercier de la part du grand gosse de 13 ans que j’étais alors. Avec tes petites chansons, tu lui as appris deux ou trois choses toutes simples : que la foi d’abord n’est pas échafaudage de principes, mais rencontre. (…) Toi, tu me parlais des petites gens, de leurs tendresses et de leurs colères, de Monsieur Jésus Christ surtout. Tu redonnais à l’Évangile son goût de pain frais : « Le ciel est rouge, il fera beau. J’ai joué de la flûte sur la place du marché et personne avec moi n’a voulu danser… » Tu chantais, et la foi n’avait plus cette odeur de vieille sacristie. Elle ne récitait plus ses phrases par cœur, elle choisissait son vocabulaire dans le dictionnaire de tout le monde. La foi faisait de la poésie avec les mots de tous les jours. Tu m’as appris la foi en quelques mots libres et amicaux. »
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Article publié le 6 mai 2024