P. André MANARANCHE (12.04.2020)
Inclassable, André MANARANCHE a incarné les vivants paradoxes des témoins de l’Évangile : une liberté de pensée et de parole unie à une fidélité profonde à l’Église, un enracinement dans la tradition et un engagement intellectuel pour dire la foi chrétienne au monde présent, le courage pour dénoncer les idéologies conservatrices ou progressistes et une profonde exigence personnelle pour renouveler le discours de la foi chrétienne sans jamais la trahir.
André est né à Chatou en 1927, dans une famille originaire d’Auvergne ; il fut ordonné prêtre du diocèse de Versailles en 1951 et soutint, ensuite, une thèse de doctorat, à l’Institut Catholique de Paris, sur « Communauté et société dans l’Église ». Cependant, attiré par la vie religieuse apostolique, il entra dans la Compagnie de Jésus en 1961. Après le noviciat, il compléta sa formation théologique à Lyon-Fourvière.
Dès sa sortie de Fourvière, André est nommé, en 1965, à « l’Action Populaire », à Vanves. Il y vécut vingt années d’une grande fécondité. Son nom est alors associé, pendant quinze années, aux Cahiers d’Action religieuse et sociale. Parallèlement à cette activité, André enseigne à l’Institut Catholique de Paris, à l’Institut d’Études Sociales (I.E.S). Ses cours sont la base de plusieurs ouvrages publiés. En 1967 paraît Prêtres à la manière des apôtres qui eut immédiatement un grand retentissement. L’ouvrage contribua à souligner la spiritualité particulière des prêtres et à donner une signification et un fondement théologique à leur vocation.
La vigueur de sa pensée, son talent de pédagogue suscitèrent l’intérêt des grands comme des plus modestes. Dans ses dialogues avec Jean GUITTON, Paul VI confia l’estime qu’il avait pour l’œuvre d’André ; Hans Urs von BALTHASAR lui rendit hommage dans un de ses ouvrages ; le cardinal RATZINGER, avec lequel il correspondait, lui manifesta une vive sympathie. Nombre de ses livres furent de vrais succès de librairie. Certains sont toujours lus dans les séminaires…
Ses différents ouvrages ne lui valurent, toutefois, pas que des amis, même si sa plume acérée se montrait respectueuse des personnes. André s’est toujours plu à renvoyer dos à dos traditionalisme et progressisme ; si son âpre critique de certaines « dérives » lui a souvent valu d’être identifié comme conservateur, il importe de se rappeler qu’il fut aussi un adversaire résolu du maurrassisme dans lequel il voyait une redoutable instrumentalisation du christianisme et il analysait, avec une vive lucidité, le risque de dérive des chrétiens « classiques » vers l’extrême-droite.
La collaboration d’André avec les Cahiers cessa en 1983. Peu après, en 1985, il fut nommé à la communauté parisienne de la rue de Grenelle. Elle devint son port d’attache Jusqu’en 1990, il conserva un enseignement à l’I.E.S. Il continua, par la suite, à donner des cours, notamment au séminaire de Paray-le-Monial, puis au Séminaire international d’Ars. Pendant de longues années, il est aussi intervenu dans différentes abbayes et dans diverses communautés nouvelles. Il a aussi œuvré au-delà des frontières de l’Hexagone dans de nombreux pays d’Afrique francophone. En 1986, il était devenu conseiller religieux national des Routiers des scouts d’Europe et le resta pendant dix-huit ans.
Sa vie durant, André n’a eu de cesse de penser le mystère de la vocation sacerdotale, la spiritualité sacerdotale, la théologie du sacrement de l’Ordre, mais aussi, les exigences de la formation des séminaristes. En raison de son expérience et de ses écrits, il a été, pendant dix ans, un consulteur exigeant de la Congrégation du Clergé.
Ces dernières années, des problèmes de santé limitaient son rayon d’action, mais André continuait à exercer un ministère d’accompagnement spirituel, à prêcher avec une fougue inaltérée. Ayant rejoint l’EHPAD de Lille à la fin de 2017, il rejoignit son Seigneur au matin de Pâques 2020, en pleine pandémie du covid-19.
Patrick LANGUE sj
Article publié le 9 septembre 2020