Troisième d’une famille de cinq, François ROULEAU est né à Périgueux. Elève de Sarlat, bachelier à 18 ans, il prépare l’Ecole coloniale et s’inscrit en droit à Bordeaux. Engagé pour la durée de la guerre le 10 septembre 1939, il doit d’abord faire ses classes, si bien qu’il ne sort ‘aspirant’ de Saint-Maixent que huit jours après le début de l’offensive allemande.

Démobilisé le 30 décembre 1941, il entre au noviciat de Mons (Var) moins de trois semaines après, suit le cursus classique, avec régence de deux ans à Sainte-Geneviève et préparation du diplôme de russe aux Langues Orientales. Après l’ordination (Enghien 1952) et le Troisième-An au pays de Galles, il est nommé en 1954 au collège St-Georges de Meudon qui forme des enfants d’émigrés russes. Mission aussitôt suspendue pour remplir l’austère tâche de secrétaire du P. PLAQUET durant sa longue visite de l’Assistance de France (1955-1959).

A Meudon, il est préfet, puis Père spirituel. Après la fermeture du collège, il continue avec la formation d’adultes. En 1961, il crée la revue PLAMIA pour promouvoir des contacts entre monde français et monde russe, catholiques et orthodoxes. Son étude « Ivan Kiréievski et sa place dans la pensée russe », lui obtient un doctorat de la Sorbonne (13 mai 1972). Il traduit, introduit, préface des œuvres d’auteurs russes, s’intéressant – principalement pour leurs incidences religieuses – aux débats entre slavophiles et occidentalistes, car sa préoccupation constante est celle de la marche vers l’unité entre catholicisme et Eglise orthodoxe russe dans le respect des traditions de chacun ; il invite à comprendre les erreurs actuelles ou passées commises des deux côtés et pressent quelques-uns des pièges futurs à désamorcer.

Sa nomination à Pau en 2000 fut pour lui un véritable déchirement. Il n’en continua pas moins de travailler malgré l’éloignement et de publier en particulier sur Soloviev ou Gagarine qui fonda la revue Etudes. Pendant ces dix-sept années de présence discrète à Pau, il a été, pour beaucoup d’entre nous, un modèle de vie religieuse et un guide spirituel très sûr. Car ce travailleur rigoureux était un homme de prière et de discernement, un religieux pauvre, bienveillant et très attentif aux autres.

Lors de ses obsèques, M. Schmelewsky, ancien ambassadeur de France en Bielorussie, a souligné la capacité de François ROULEAU « à conserver une salutaire distance vis-à-vis de son propre travail… alors que ses travaux sur les intellectuels russes au XIXème siècle… en avaient fait un spécialiste reconnu et cité sur plusieurs continents… s’attirant le respect et l’estime de tous, même de ceux qui n’aimaient pas beaucoup les jésuites, pour dire le moins, et qui se retrouvaient souvent, à l’époque et dans le cadre où il a vécu ». Quelques jours avant qu’il ne meure, une dame russe, professeur à l’Université de Moscou, sachant que Mme Schmelewsky le voyait souvent, lui demanda de le saluer, en ajoutant : « C’est l’homme le plus extraordinaire que j’aie jamais rencontré ». Son humour, sa jovialité, son dynamisme, « l’exceptionnelle délicatesse qu’il apportait dans les rapports humains », son discernement, lui ont attiré des amis qui n’hésitaient pas à lui confier leurs questions les plus délicates. Mais il souffrait de certaines prises de position au sein de l’Eglise. « Ce discernement, dit M. Schmelewsky, le plaçait un peu en marge et était une des raisons de sa constante discrétion. Dans ce domaine, il trouvait parfois le temps long mais la prière et la louange incessante le mettaient hors d’atteinte de tout pessimisme… Le P. Rouleau a estimé toute sa vie qu’il était comblé par le Seigneur ». Expression qui revenait comme un refrain dans ses homélies.

Georges de CHARRIN sj (Pau)