P. Gérard PIERRE (03.04.2020)

Gérard Pierré Gérard est né en 1923, à Houécourt, dans les Vosges, fils et petit-fils d’instituteurs. Il est le dernier d’une fratrie de sept enfants. Après son baccalauréat, Gérard pense à une vocation religieuse, peut-être dans la Compagnie, mais avant, de se décider, il veut prendre le temps de réfléchir : en 1941, il s’inscrit à l’Université de Nancy pour étudier la philosophie tout étant surveillant au Collège de la Malgrange.

À la fin de l’année scolaire 1944, il est confronté à un choix, une décision à prendre : risquer de se faire réquisitionner au S.T.O. et être envoyé en Allemagne, ou bien entrer dans la résistance contre le nazisme. Pendant les vacances d’été, au cours d’un camp scout dont Gérard assurait l’intendance, l’occasion se présente de rejoindre un réseau qui appuierait les troupes alliées dans leur avancée vers l’Est. Il s’agit, d’abord, de réceptionner un parachutage d’armes ; l’opération échoue, mais au lieu de se disperser très vite, ils restent groupés et se font cerner par les troupes allemandes. Pour épargner la vie des villages où ils étaient retranchés, ils se rendent et sont déportés. Gérard arrive à Dachau le 9 octobre 1944. Des huit mois passés à Dachau, Gérard retient ceci : « Nous avons à vingt ans vécu une immense défaite de l’humanité, au milieu de laquelle des hommes exceptionnels ont émergé : Michelet, Delestraint… Et, Dieu merci, des milliers d’autres. Nous n’avons qu’une fierté : pendant qu’on massacrait hommes, femmes, enfants, vieillards, nous ne sommes pas restés dans nos pantoufles » ! (Témoignage – Huit mois à Dachau, édition AFMD 49, p. 63).

Dachau est libéré par l’armée Patton, le 29 avril 1945. Gérard entre au noviciat de la Croix-sur-Ourcq le 4 octobre 1945 ; il y arrive par le même train que Pierre GÉRARD… Après le noviciat, Gérard suit le cursus classique des études. Il complète sa formation de philosophie et la parachève par deux années à Sciences Po. Pour ce qui est de la théologie il semble qu’il soit allé de lui-même chercher chez FESSARD, BEAUCHAMP et Urs von BALTHASAR ce dont il a besoin pour enrichir ses cours aux élèves de l’ICAM, pour accompagner des Exercices au Hautmont et rédiger ses homélies courtes et soignées.

Gérard a-t-il donné l’impression d’une certaine fragilité ? Cela expliquerait qu’on lui ait toujours demandé des apostolats d’enseignement dans un cadre un peu protégé, alors que lui-même a pensé devenir prêtre-ouvrier. Il est Père spirituel puis professeur d’économie à l’ICAM, en même temps qu’il consacre un mi-temps à aider le P. Paul FELLER. Tout en travaillant à l’atelier de forge de l’ICAM, celui-ci constitue une collection d’outils et de livres sur l’apprentissage. Cet attelage de jésuites est pour le moins disparate, mais chacun y mettant du sien, ils abattent un grand ouvrage. En est témoin le musée de l’outil et de l’apprentissage, fondé, à Troyes, par Paul FELLER et les Compagnons du Devoir, avec le soutien assidu de Gérard, surtout, après la mort de Paul. Gérard y consacre plusieurs années de sa vie tout en se mettant au service de la pastorale du diocèse, puis des Sœurs Oblates de Saint-François de Sales dont il est l’aumônier. Séjournant à Troyes, Gérard a été rattaché à la Communauté de Lille-Stations. C’est un attachement « à distance », car sa santé fragile lui interdit les voyages. En novembre 2019, les problèmes de santé s’accentuant, il rejoint physiquement la rue des Stations, nous permettant de profiter de sa présence tonifiante et pacifiante. Malheureusement, la durée de son séjour parmi nous a été brève car Gérard a été une des premières victimes de la pandémie dans notre maison. Pour les statistiques, il a été un mort parmi d’autres ; mais, pour nous, il a laissé un grand vide même s’il a pris le temps de nous dire un bref au revoir par téléphone par l’intermédiaire d’un de ses compagnons. Là où il est arrivé, il est permis de croire qu’il était attendu et qu’on l’a fêté.

Thierry GEISLER sj

Article publié le 9 septembre 2020

Aller en haut