Guy Duvigneau Guy a vécu en Algérie une grande partie de sa vie « missionnaire », tout comme son frère jésuite Émeric à Madagascar : cette ouverture à l’Afrique, il la doit sans doute à l’héritage familial et à ses premières années dans la Compagnie !

Il entre au noviciat à 18 ans, et il en a 23 lorsqu’il doit faire son service militaire en cette année 1954, en Algérie justement, quand éclate la « Révolution du 1er novembre », qu’il ressent comme une blessure : il en restera marqué toute sa vie et aimera raconter à ses interlocuteurs algériens « son 1er novembre 54″. Guy et Émeric ont ainsi porté ensemble, à des milliers de km l’un de l’autre, le poids de la blessure coloniale, en ces années de « décolonisation » laborieuse, en Algérie comme à Madagascar !

Depuis notre école technique de La Joliverie où il fait sa régence, mais aussi pendant ses études jésuites, Guy revient en Algérie avec des jeunes de « La Jol » pour des semaines de « volontariat », l’été, ou pour un « mois d’arabe algérien ». Ordonné en 1964, il doit attendre 1970 pour nous rejoindre dans son pays d’adoption. En Oranie, de 1973 à 1980, nous étions une communauté de 5 ou 7, résidant en 5 lieux différents, espacés parfois de 350 km, de Tlemcen à Tiaret : souvenir heureux, qui nous obligeait à sillonner « l’Algérie profonde », à l’instar de notre jeune évêque, Mgr Henri Teissier, qui aimait visiter nos collègues de travail sur place.

Rejoindre Guy à Tiaret, dans sa ville d’adoption, 2 ou 3 fois par an, pour un long week-end communautaire était une expédition, une plongée dans « l’Algérie d’un frère »… On y découvrait aussi d’autres frères et sœurs, avec qui Guy partageait le quotidien d’une présence d’Église discrète : le P. Emmanuel de Marsac son curé et 1er compagnon de discernement, les sœurs maristes voisines, très insérées et proches des familles dont elles partageaient l’amitié avec Guy… Quelle ouverture pour nous ou pour nos invités de passage, comme le Provincial ou Jacques Sommet, André Masse et Dominique Salin.

La passion de Guy pour les grands espaces des hauts plateaux algériens ne pouvait pas l’enfermer dans la ville de Tiaret : après plusieurs contrats avec différents ministères, il finit par trouver, avec la question de l’aménagement du territoire, un lieu et des amis algériens avec qui donner toute sa capacité, notamment Mohamed Mekkaoui : témoin, son petit article « L’évolution de la sédentarisation dans les hautes plaines de l’ouest algérien ». Entre Oran, le centre de la communauté, et le P. Sanson au centre spirituel Ben Smen à Alger, Guy était bien chez lui partout. Grâce à cette liberté communautaire, ses amis pouvaient se sentir chez
eux à Ben Smen, comme à Tlemcen, « chez Maurice », en particulier la famille de Mohamed Mekkaoui.

Dans ses dernières années à Alger, un de ses refrains était « il faut quitter Alger » sous-entendu pour retourner dans les villes plus modestes. Il avait aussi de l’humour malgré sa maladie : ne reconnaissant plus toujours les gens, il les abordait souvent avec un grand sourire en disant « On se connaît !? ». Son départ pour Lille fut un déchirement, mais il a su l’expliquer à ses amis algériens : « Je ne vais pas commencer à désobéir à mon âge ! ». En retour, ceux-ci l’ont bien fêté et n’ont pas manqué d’aller le visiter à Lille lors de passages en France. Enfin, lors de sa sépulture, le 28 février, Christian Reille s’est réjoui de trouver chez les neveux de Guy
tant de dons pareils.

P. Georges Carlioz sj et P. Christophe Ravanel sj, communauté à Constantine
P. Christian Reille sj, communauté Saint-François Xavier à Paris (Grenelle)