Jean-Marie LAPIERRE Ancien élève du collège jésuite de Dôle dans le Jura, Jean-Marie Lapierre est entré au noviciat d’Aix-en-Provence en 1956, à l’âge de 29 ans, plus âgé que la plupart de ses co-novices. Il avait retardé son entrée dans la Compagnie de Jésus à cause du décès de son père. Aîné d’une nombreuse fratrie, il avait voulu aider sa mère
dans l’éducation de ses cadets : devenu médecin, il avait exercé quelques années avant de réaliser son premier objectif. C’est son associé en médecine qui l’a conduit en voiture au noviciat, profondément peiné du départ de Jean-Marie, tant il avait été heureux de leur collaboration.

Jean-Marie a mené toute sa vie apostolique en Afrique, dans la province d’Afrique de l’Ouest dont il a vu la création il y a cinquante ans : au Tchad, Burkina Faso, Congo, Cameroun. Au Tchad, après sa théologie, il dirige un centre médical au Guéra, chez les Montagnards au centre du pays. Puis il est vicaire à la cathédrale de N’Djamena et dirige la radio catholique. Il est ensuite vicaire dans une paroisse de Ouagadougou, au Burkina, pendant une dizaine d’années, tout en assurant la charge d’aumônier universitaire. Il donne au personnel médical d’un grand hôpital des Camilliens de Ouagadougou un cours de déontologie médicale qui a été très apprécié et publié.

Au Congo Brazzaville, il a passé neuf ans, de 1990 à 1999 (avec une interruption d’un an au Cameroun, en 1995-96), en une période de grave crise politique, où la violence allait bientôt éclater. Il y a exercé les fonctions de supérieur, d’accompagnateur de retraites, d’intendant, d’animateur de sessions, de formateur des religieux et religieuses, et aussi de temps à autre de cuisinier. Au Centre spirituel Vouela de Brazzaville, dont il deviendra le directeur après la mort du P. Pierre Desportes, Jean-Marie aura à vivre des moments très stressants pendant une guerre à répétition. Le Centre se trouve en effet au sud de la capitale, dans une zone où s’affrontent les différents groupes armés. Un certain nombre de personnes viendront y trouver refuge en 1997-98. Mais à la fin de 1998, les jésuites devront se résigner à quitter les lieux, devenus trop dangereux.

Après cette période éprouvante et une forte crise de paludisme, Jean-Marie se voit proposer par les sœurs de Saint-Joseph de Cluny un temps de repos de deux mois, dans un endroit calme et isolé du Cameroun limitrophe du Congo, en pleine forêt, à Moloundou. Il s’agit de donner une formation en Écriture sainte, histoire de l’Église, spiritualité à une huitaine de postulantes, accompagnées de deux sœurs aînées. En fait, ce séjour durera six mois : un moment marquant et très heureux pour JeanMarie, dans des conditions de vie rudimentaire, d’étude, de prière et de service auprès d’une population de pygmées vivant dans un grand dénuement. De là Jean-Marie ira au centre spirituel de Douala, pour un certain temps, avant d’aller à la Chauderaie, à Francheville, où il rendra de nombreux services pendant quatorze ans jusqu’à sa mort.

Jean-Marie a été toujours apprécié partout où il est passé, par sa connaissance de la spiritualité ignatienne, la qualité de son accompagnement, de ses cours, sessions et retraites, de ses talents de bricoleur… Au monastère d’Obout (Cameroun) qui recevait les novices pendant la grande retraite, les sœurs étaient émerveillées de voir ce père qui, tout en accompagnant les retraitants, réparait ce qui n’allait pas dans leur maison… Au Congo Brazzaville, certaines sœurs gardent encore le cours qu’il
donnait aux novices. Ses compagnons jésuites appréciaient la simplicité de sa vie fraternelle, sa serviabilité, sa délicatesse pour ne jamais imposer sa présence ou son jugement, sans empêcher son indignation devant ce qui n’était pas bon. Et partout, on a souvent recouru à son diagnostic, que ses confrères médecins reconnaissaient comme très juste.

P. Jacques Fédry sj sj, depuis Brazzaville le 14 juillet 2023