P. Léon BURDIN sj (02.05.2017)
Léon est né à Lanslebourg en Savoie : quatre enfants, un papa coiffeur-tailleur, une maman qui mourra jeune, à 39 ans… Léon gardera des liens très forts avec son pays natal. Après trois ans au séminaire, il entre en 1947 au noviciat d’Yzeure et suit le cursus habituel : études littéraires à Yzeure ; philosophie à Chantilly ; régence à Avignon ; études de sciences économiques et sociales ; puis quatre ans de théologie à Lyon-Fourvière et régence à nouveau, au collège d’Alger.
Et à la rentrée 1964 on le retrouve aumônier d’étudiants à Nice où il restera jusqu’en 1982. Il va mettre au service des étudiants sa formation, sa foi et cette riche expérience humaine que lui a fait découvrir sa terre de Savoie. Ce qu’évoqua le jour des obsèques un ancien : « Notre reconnaissance et notre grande affection envers celui qui a su nous ouvrir à l’intelligence des Ecritures […] nous aider à rencontrer le Vivant et accéder ainsi à cette foi enracinée qui nous fait vivre. »
Il est demandé à Léon de participer à l’aumônerie du centre anticancéreux de Villejuif. Il réfléchit, s’engage : il exercera sa charge de 1982 à 1998. « Homme aux mains nues, sans bagage technique, dans les couloirs de l’hôpital, je circule, autorisé, dans le plus grand respect de la liberté des malades, à prendre contact avec eux, à frapper à leur porte, à entrer dans leur chambre… J’approche l’homme, tout l’homme – croyant et incroyant – aux prises avec l’urgence et le poids des problèmes de vie et de mort… »
Léon écoute, accueille, recueille, ce qu’on lui dit : témoins les cahiers qu’il a laissés, comme l’évangéliste Jean sur le tard met par écrit ce dont il a été le témoin. Dans la dernière année de son mandat d’aumônier il fait paraître son livre Parler la Mort, afin d’aider ceux qui s’affrontent à leur mort ou ont été blessés par la mort d’un être cher, à mettre des mots sur ce qu’ils vivent. Ensuite, par des rencontres et sessions, il continuera, tant qu’il le pourra, ce qui constitue le deuxième versant de sa mission d’aumônier à Gustave Roussy.
Mais la mort se cache aussi sous le masque de la vieillesse et Léon fait l’expérience de la vie qui lui échappe et les mots pour le dire deviennent illisibles, inaudibles : vient le moment d’arrêter d’aider les autres ; témoigner simplement en vivant au jour le jour suffit à nous occuper ; ce sera pour Léon un temps de dépaysement, d’aveuglement au sens littéral du mot puisque sa vue baisse beaucoup, et que sa mémoire ne lui est pas fidèle.
Et puis un jour il a arrêté de marcher, on l’a vu en fauteuil roulant se laisser conduire, jusqu’au moment où il s’est abandonné au bon vouloir de Dieu. Le jour des obsèques, des témoins ont trouvé des mots pour nous dire ce que fut sa vie ; et il y a eu des gens pour les entendre et les écouter ; cela a été pour tous un motif d’espérance : s’il faut des mots pour vivre la mort, celle-ci n’a pas le dernier mot.
Thierry GEISLER sj (Lille-Stations)
Article publié le 20 octobre 2017