A première vue, la vie de Michel a son centre de gravité dans la région du Nord, plus précisément : Lille… la Catho… l’ICAM… ; mais les événements se sont chargés de le dépayser. Né à Roubaix, l’aîné de six garçons et d’une petite sœur ; avec aussi deux tantes religieuses, la foi et la pratique religieuse irriguaient la vie familiale.

Michel étudie au collège du Sacré-Cœur à Tourcoing quand survient la guerre. Traumatisé par l’occupation allemande à la guerre précédente, M. Debeunne avait organisé le déplacement de sa famille en Lozère. Michel vécut donc « pour de vrai » l’exode de juin 40, à pied sur une centaine de kilomètres ! La situation s’étant normalisée et la famille de retour dans le Nord, il s’inscrit à la Catho en licence de math. En 1943, après mûre réflexion, avec quelques camarades il rejoint le STO en Autriche où il travaillera deux ans en usine.

A la fin de la guerre, il décide d’entrer dans la Compagnie. Pourquoi elle ? Parce qu’elle l’intriguait, disait-il,… qu’elle avait été souvent persécutée… Michel va donc suivre le cursus jésuite classique avant Vatican II ; « humanisé » par son caractère gai, bon vivant, pas sectaire. Ce qui ne l’empêchera pas d’assumer des responsabilités, comme il l’avait fait en tant qu’aîné dans sa famille ou chef dans sa troupe scoute : il avait du caractère et pouvait si nécessaire faire preuve d’autorité. C’est tout naturellement que, là où il sera envoyé (ICAM, Ginette, Nantes ou ailleurs), on lui confiera des rôles de responsable, et souvent pendant longtemps. Et c’est sans surprise qu’il ne décevra pas ceux qui lui auront fait confiance.

Mais il ne refusera pas d’assumer des responsabilités en second ou même à la base : Socius du Provincial de France, aumônier du Secours Catholique à Nantes, Président puis administrateur de la mutuelle « Servir », vice-président depuis sa fondation en 1981 jusqu’à 2010 de la Fondation Féron-Vrau/ICAM, et enfin résident à la Maison St-Jean pendant les dernières années de sa vie. Il l’a fait en restant fidèle et à son engagement religieux et à lui-même : dans son fauteuil roulant, à la chapelle, à la salle à manger, dans sa chambre, Michel en imposait sans jamais être écrasant. Au contraire, il incitait plutôt celui qu’il avait en face de lui à sortir de lui-même, à se conduire en responsable, ainsi qu’il avait fait avec ses étudiants de l’ICAM en mai 68.

De Michel, il est permis de dire que sa foi irriguait sa vie mais sans être pour lui objet de contemplation ou d’exposition… Et c’est en toute logique et confiance que le Seigneur a pu venir chercher Michel au milieu de la nuit : il savait qu’il le trouverait fidèle à veiller, prêt à le suivre, joyeux de trouver, au-delà de toute espérance, en Christ un maître venu non pas pour être servi mais pour servir.

Thierry GEISLER sj (Lille-Stations)