P. Pierre ROQUEBERT sj (17.02.2018)
Pierre ROQUEBERT est entré dans la vie religieuse, à la suite d’Ignace, comme il avait embarqué à bord de son voilier : sachant qu’il allait courir des dangers, mais confiant dans ses capacités de navigateur et dans la volonté de vivre de ses compagnons de voyage, tout cela sous le regard bienveillant de son Créateur. C’était dans la ligne de son éducation : un père officier de marine, sous-marinier et ayant exercé (jeune comme il se doit pour les sous-marins) la fonction de commandant pendant la grande guerre. Une famille de tradition chrétienne comme il n’était pas rare d’en trouver parmi les officiers de marine, une famille nombreuse (11 enfants), Pierre est né en 1927 étant le quatrième.
Pierre avait le don d’évaluer une situation et d’en tirer le meilleur parti pour lui-même ou pour celui qui lui demandait conseil : en juillet 1941, en pleine guerre, choisi comme parrain de son neveu Vincent, il traverse la ligne de démarcation pour être présent à son baptême ! En 1944, à la mort de son père, étant l’aîné des garçons, il assume à 17 ans le rôle et la responsabilité de chef de famille. Pour ce qui est des études, on peut dire qu’il était doué pour les mathématiques et les sciences : il était « systématique en diable » et savait organiser sa vie pour ne pas perdre son temps, gérer ses accrocs de santé pour les maitriser. Il n’est pas étonnant qu’on voie Pierre admis à l’Ecole Centrale de Paris, et une fois sa formation terminée, – compte-tenu de ses charges de famille, il lui faut aider sa mère à assurer les études de ses frères plus jeunes – travailler comme ingénieur de fabrication chez Lafarge en Algérie.
Une fois dégagé de ses responsabilités familiales, il est libre pour répondre à l’appel de sa vocation et entre au noviciat de la Compagnie à Laval, en 1955. Il suit le cursus habituel des études de 1957 à 1964. Ce ne sera pas une promenade de santé : si Pierre arrive avec l’esprit de géométrie, il lui faut tenir compte de l’esprit de la finesse philosophique et cela peut créer des tensions surtout pour quelqu’un qui prend les études au sérieux… C’est ainsi qu’il devra interrompre sa philosophie pendant quatre mois pour se refaire une santé.
Après sa dernière année de formation (le fameux Troisième An), on fait appel à sa capacité d’écoute et à sa formation : il lui est demandé d’assurer des ministères d’aumônerie (Grandes Ecoles), d’animation de mouvements (MCC) et plus tard, d’aumônier d’hôpital (Evreux). Partout où il passe, il noue des liens solides et entretenus, en particulier dans le milieu étudiant. Ceux qu’il a accompagnés reconnaissent en lui « un frère ou un père ». Il apparaît comme un « roc », « pierre solide et fiable » sur laquelle beaucoup de gens ont pris appui pour construire ou reconstruire leur vie, « pierre solide » qui a contribué à faire de tant de personnes des pierres vivantes de l’Eglise. Il appelle à des responsabilités ; et la confiance qu’il fait aux personnes construit leur propre confiance.
En 2005 Pierre arrive à Lille après treize ans passés à Evreux comme aumônier d’hôpital. Plutôt que de se reposer, il s’inscrit à la Catho pour une formation universitaire sur les Soins Palliatifs. Il accompagne et écoute (comme il sait le faire) ceux qui font appel à son discernement.
A partir de 2012 viennent les années qui le mettent à nu devant notre Créateur. Il reste très pudique sur son ressenti intérieur. Mais lucidement et librement car il sait faire comprendre ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas, même si la communication verbale devient de plus en plus difficile et inaudible. Il a la joie de fêter ses quatre-vingt-dix ans, entouré de ses sœurs, Marie-Jeanne et Geneviève et de son neveu Philippe Pignel, prêtre du diocèse de Paris. Ce sera quelques mois avant de nous quitter, le 17 février 2018.
Thierry Geisler sj (Lille-Stations)
Article publié le 25 septembre 2018