P. Sylvain Urfer (03.12.2021)

Sylvain Urfer Dans sa 81ème année, le P. Sylvain Urfer était encore très combatif, même s’il lui fallait travailler hors de son cadre habituel, le Centre Foi et Justice à Antananarivo. Arrivé à Paris en mars 2021 pour une série de contrôles médicaux, il pensait revenir à Madagascar en septembre. Ce lui fut interdit peu de jours avant son retour. Il se soumit. Mesurant alors l’enjeu d’un cancer qui le minait, il prit ses dispositions à partir de ce moment irréversible.
Beaucoup de ses amis ont été surpris de son décès survenu le 3 décembre 2021, dans la paix du Seigneur, à six heures du matin.

Sa manière de réagir, sans jamais se laisser surprendre, le dépeint assez bien. Homme très ordonné dans sa vie comme dans sa tête, Sylvain a acquis, au fil des années passées à observer la vie socio-politique, économique et culturelle de son pays d’adoption, une maîtrise d’analyse inégalée. Tous le reconnaissent comme l’analyste le plus percutant de la situation à Madagascar. Cela lui fut fatal, en 2007, quand il reçut un ordre d’expulsion immédiate, sans que lui fut signifiée la raison. Grâce à un changement de régime, il revient en 2009 continuer son travail d’analyste et d’observateur pointu de la société malgache.

Arrivé à Madagascar en 1974 pour y rester, il avait suivi auparavant la formation classique des jésuites en France, doublée d’une licence de lettres et d’études en sciences politiques. Pendant sa théologie à Lyon, il fit quelques voyages en Afrique : Côte d’Ivoire, RDC et surtout Tanzanie. L’Ujamaa de Nyerere le fascinait et lui donnait une base de comparaison pour observer le Madagascar socialiste.

Au début, il a enseigné l’histoire et la géographie contemporaines aux élèves de Terminale au Collège Saint-Michel de Tananarive, dont les fascicules, édités sous un pseudonyme, sont des exemples rigoureux d’initiation socio-politique et économique. Il tenait cette rigueur et cette clarté d’expression de ses parents, instituteurs alsaciens, comme de sa formation littéraire antérieure, à Cormontreuil et au Collège de Reims. Il développe son activité, avec une bibliothèque et une plate-forme d’analyse, collaborant d’abord au Comité National d’Observation des Élections (CNOE) dans les années 90, puis participant à la fondation d’un Observatoire de la Vie publique, dont le sigle malgache SeFaFi est vite devenu une référence, dans l’observation de la gouvernance du pays, à partir des années 2000. Il en était la plume, dans un groupe d’intellectuels réunis pour rechercher tant la vérité que les failles d’une situation donnée, exposée en toute franchise. Dans une culture qui ménage toujours « la chèvre et le chou », on peut se demander pourquoi ses écrits si vifs, et même mordants, ont toujours été considérés comme vrais. En fait, il a passé 25 ans (1981-2005) de sa vie comme curé d’un des quartiers les plus misérables et populaires de la capitale. Dans ce creuset d’Anosibe, il a formé sa compréhension de l’âme malgache, au contact quotidien du « cru » de ces migrants paysans venus s’installer en ville.

Son Centre Foi et Justice fut sa base de coopération tant avec la société civile qu’avec les instances de l’Église locale, qu’il a aidée dans sa réflexion. Il est bien là fils d’Ignace ! Son départ vers le Père appelle une relève, il en a tracé le chemin !

P. Nicolas Pesle sj,
Antananarivo

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