Yves GRILLET Né le 15 avril 1923, Yves venait de fêter ses cent années… sa longue traversée au milieu des hommes. Ayant déjà accepté sa mort prochaine, il n’a pas pu profiter vraiment de la fête. Comme il me l’a encore dit ce jour-là : « Mon moral est bon ». Ces derniers mots disaient l’essentiel et Yves les a, tout au long de son séjour ici, à la Chauderaie, répétés inlassablement, avec son humour et la profondeur de sa foi.

Né à l’Arbresle, voilà ce qu’il nous raconte, dans le résumé qu’il a lui-même écrit : « Enfance heureuse dans une famille nombreuse, avec de beaux souvenirs. » De ses études à la Trinité, il se souvient surtout des scouts : « Au cours du camp, j’ai reçu mon totem, rat silencieux. Le ‘silencieux’ caractérise bien ce que j’ai toujours été : peu expansif, plutôt secret, gardant pour moi mes sentiments et réactions… et peut-être un peu fouineur… Interpellé par l’entrée au noviciat de Paul BESCHET et François FOURNIER, mais … sans plus. »

Ensuite, ce sera l’année de philo puis, poussé par son père et un intérêt réel, l’école de chimie industrielle de Lyon. Deux années, traversées par la réussite, mais aussi le retour du religieux. À Notre-Dame des Dombes, revient la question de la vocation : « J’ai longtemps médité, prié, parfois ergoté » mais, au bout du compte, c’est : « Je promets à Dieu de le servir comme Il le voudra. » Et, le 4 mai 1942, à 9h00 du soir, « Je travaillais la chimie organique. Puis envahissement de la présence de Dieu, écrasante, éblouissante, calme, douce de l’Amour. » Tout est dit ; il reste à la vivre. Noviciat le 24 octobre 1942, juvénat, philo, régence au collège Saint-Joseph, à Sainte-Hélène à Lyon, théologie et ordination à Fourvière le 30 juillet 1954 (son goût pour la comédie va se révéler là ! On le retrouvera lors de son séjour à Amiens), Troisième an à Wépion, Derniers vœux à Lyon en 1969.

Pour le reste, raconté en une centaine de pages, c’est la vie apostolique, intense, forte, où vont se révéler sa fidélité, sa droiture, son humour aussi, et ses capacités multiples : professeur au lycée privé professionnel Le Marais Sainte-Thérèse à Saint-Étienne puis directeur de 74 à 82, supérieur de la communauté de Saint-Étienne de 67 à 74, accompagnateur d’équipes MCC, paroisses, camps de jeunes, etc. Vient ensuite Vannes, avec la passation du collège au diocèse. Il est encore supérieur et économe de la communauté. Et vient le lycée La Providence à Amiens, où il est directeur technique jusqu’en 1989, puis père spirituel, ministre de la communauté, assistant CVX, Incroyance et Foi, fermeture de l’ancienne résidence communautaire de Boulogne. Sa vie intérieure continue de se développer par la découverte de Thérèse d’Avila, les retraites à Landévennec, et bien d’autres, période très riche humainement et spirituellement.

1995, départ des jésuites de la Providence, précédée de sa nomination à la rue Beudant (à Paris dans le 17e arrondissement, où la Curie de Province se trouvait alors) dès 1994 pour être au service de la Province avec sérieux, dévouement, discrétion et humour bien nécessaire. Secrétaire des Vice-Provinciaux puis du seul Vice-Provincial, services multiples, relations avec le personnel, bibliothécaire, représentant du Vice-Provincial à Reims, à l’Icam Lille, Le Mans, suivi des dossiers, etc. Et, au fil de tout cela, les amitiés nouées au cours des séjours d’été enchanteurs au presbytère situé au col de Larche (au-dessus de Barcelonnette et accueillant les jésuites l’été) avec plein de belles rencontres où ses souvenirs, égayés par son humour et sa joie intérieure, éclairent les longues soirées d’été des nombreux participants. Et enfin la Chauderaie à partir de 2012 : « Que d’amis, résidents, directeur, docteurs, membres du personnel ! Et mes frères jésuites … »

Voilà toute une vie, dont chacun de nous peut être fier, « Servir Dieu comme Il le voudra. »

P. Michel Roger sj, communauté de La Chauderaie à Francheville