Père Pedro Arrupe (1907-1991)
Pedro Arrupe a profondément marqué la Compagnie de Jésus. Il avait été élu supérieur général en 1965, pendant le Concile Vatican II. La cause de béatification de Pedro Arrupe a été ouverte à Rome le 5 février 2019. La première phase du procès pour sa béatification s’est clôturée le 14 novembre 2024.
Dans une lettre adressée à toute la Compagnie de Jésus, le P. Arturo Sosa a annoncé le 14 novembre 2018 le processus menant à la possible béatification du P. Pedro Arrupe, 28ème Supérieur Général de la Compagnie. Six ans plus tard, le 14 novembre 2024, Mgr Baldo Reina, vicaire de Rome, a clôturé officiellement la première phase du procès de sa béatification. L’enquête diocésaine avait été ouverte en février 2019. Cette phase étant maintenant terminée, les conclusions du tribunal diocésain seront examinées par le Dicastère des causes des saints, qui aura la possibilité de déclarer le P. Arrupe » vénérable ».
Mgr Baldo Reina a rappelé le courage de Pedro Arrupe, sa clairvoyance, son humilité, son zèle missionnaire et son amour des pauvres, toujours dans l’obéissance à l’Église et aux papes :
« L’effort constant de Pedro Arrupe visait à une compréhension actualisée de la consécration et des vœux, de la vie communautaire, de la mission et de la vie spirituelle. […] Le portrait idéal du Supérieur général que Pedro Arrupe avait à l’esprit était celui d’un homme capable de passer d’une attitude de jugement et de dirigisme à une attitude d’inspiration, d’animation, d’encouragement et de promotion d’idées nouvelles. Un homme qui croit en la force génératrice de la confiance. […] Un homme qui choisit donc de donner du crédit à ses hommes, en valorisant le bien de chacun, en acceptant le risque d’être incompris ou trompé ».
Pour beaucoup, Pedro Arrupe, Basque espagnol (comme saint Ignace de Loyola) a refondé la Compagnie de Jésus, dans le contexte bouillonnant et difficile de l’après-Concile. Il lui a permis de vivre une mue profonde, dans un retour aux sources qui l’engage résolument dans le service de Dieu auquel sa mission la voue.
> Pedro Arrupe en dates (biographie réalisée par la Curie jésuite à Rome)
Découvrir la vie de Pedro Arrupe à travers 9 méditations
Portrait de Pedro Arrupe en 3 points :
Un leader spirituel
Son destin fut exceptionnel. Étudiant en médecine à Madrid et membre d’une conférence St-Vincent de Paul, il est témoin de plusieurs guérisons à Lourdes et décide de consacrer sa vie à Dieu. Il entre dans la Compagnie de Jésus en janvier 1927. Quand le gouvernement républicain espagnol dissout l’Ordre, en 1932, il quitte l’Espagne et poursuit ses études en Belgique, en Hollande et aux États-Unis, où il est ordonné prêtre. A New York, il est aumônier des hispanophones en prison. Depuis longtemps désireux d’être missionnaire, il part en 1938 pour le Japon, où il est bientôt maître des novices, à Hiroshima. Quand explose la première bombe atomique, il se dévoue sans compter auprès des blessés. Plus tard, il est supérieur des jésuites du Japon, d’où il est appelé pour être élu supérieur général des jésuites en 1965.
Selon le Père Calvez, qui fut assistant général auprès de lui à Rome et son plus récent biographe, il fut l’un des acteurs du réveil conciliaire et un leader spirituel en son temps, comme Dom Helder Camara à Recife et, de façon très différente, Frère Roger aujourd’hui à Taizé. Son dynamisme spirituel, son tempérament mystique et passionné, mais aussi sa grande bonté, toujours attentive à chaque personne concrète, exercèrent un rayonnement sur les jésuites et sur beaucoup dans l’Église.
Le combat pour la foi et la justice
Président de l’Union des supérieurs généraux de 1965 à 1983, le Père Arrupe participe aux grandes assemblées de l’Église. Il œuvre de toutes ses forces pour la rénovation de la vie religieuse. Il aide alors puissamment les jésuites à comprendre leur mission comme un service de la foi qui implique un combat pour la justice. Ses incessants voyages lui permettent de réaliser qu’une part au moins de l’incroyance contemporaine s’explique par le scandale de l’injustice sociale, criante dans nombre de pays du sud.
Peu de temps avant la thrombose qui va le réduire au silence de l’infirmité pendant les dix dernières années de sa vie, il crée le Service jésuite des réfugiés (JRS), car, disait-il, dépouillés de tout, les réfugiés sont les plus pauvres des pauvres. Missionnaire dans l’âme, il veut que l’Évangile soit annoncé dans les langues et les cultures du monde. Cette nécessaire inculturation de la foi est l’une de ses intuitions les plus fécondes. Il veut aussi que les jésuites, comme éducateurs, aident chacun à devenir « un homme-pour-les-autres ».
Trois amours
En ces périodes de remises en cause et de crise dans les sociétés et dans l’Eglise, y compris dans la Compagnie de Jésus, il fut souvent incompris. Paul VI puis Jean-Paul Il, avec des tempéraments et dans des conjonctures différents, furent déconcertés par les chemins nouveaux que les jésuites essayaient d’ouvrir, dans leur attention aux évolutions qui bouleversaient les mentalités et les sociétés. Il en souffrit beaucoup, lui pour qui le principe et fondement de la Compagnie de Jésus résidait dans la promesse spéciale que les jésuites font à Dieu d’obéir au pape, « Vicaire du Christ sur terre », pour les missions confiées par lui.
Sensible aux « irruptions amoureuses » de Dieu et de sa providence, il reconnaissait trois amours dans son existence. Celui de la Compagnie et de ses frères, jusqu’au bout. L’amour de l’Église, que l’Esprit ne cesse d’animer. Enfin l’amour du Christ, qui était l’idéal et le centre de sa vie.
Témoignages sur Pedro Arrupe
Homélie du P. Jean-Yves Calvez sj pour le 25ème anniversaire du retour vers Dieu de Pedro Arrupe
Rédacteur en chef de la revue Etudes, le P. Jean-Yves Calvez a été Provincial des jésuites de France et a été appelé à Rome pour être durant quinze ans le conseiller du Père Pedro Arrupe, supérieur général de la Compagnie de Jésus.
« Nous venons prier pour le repos de l’âme du Père Pedro Arrupe. Il l’a longtemps attendu, le repos. Après une vie la plus active qui se puisse imaginer. Mais dix ans aussi de passion, longue, très longue maladie et attente, au lieu d’un repos qu’il eût pu espérer. Il fallait qu’il prie longuement pour la Compagnie de Jésus et pour l’Eglise après les avoir servies de toute son activité.
Il a connu vraiment les deux états par où est passé Saint Pierre son saint patron, selon l’Évangile de saint-Jean, mi-constatation mi-prévision : “Quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais ; quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains, un autre nouera ta ceinture et te mènera où tu ne voudrais pas. Il indiquait par là le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu” (Jn 21, 18-19).
Pedro Arrupe qui aimait tant la vie ne fardait pas la mort : je puis témoigner que dans l’intimité il en disait la dureté. Il aura ainsi vivement éprouvé le long et douloureux déclin qu’il a connu. Et rien ne lui a été épargné, ni la longue maladie ni la longue agonie. Afin que nous croyions…
Je veux rappeler d’abord qu’il fut un homme tout de bonté, la vertu caractéristique, essentielle du supérieur général de la Compagnie selon les Constitutions : “Le supérieur général doit être parmi les plus éminents dans toutes les vertus, (…) mais si en manquaient quelques-unes, que ne manquent pas du moins une grande bonté et un grand amour pour la Compagnie…” (n. 735). » > Lire la suite
Maurice Giuliani : Ignace de Loyola – Pedro Arrupe : un trait de tempérament en commun
Maurice Giuliani, (1916-2003) est le fondateur de la revue Christus qui, à partir de 1954, a renouvelé totalement non seulement la perception et la pratique des Exercices spirituels mais aussi la spiritualité contemporaine. Auteur de L’expérience des Exercices spirituels dans la vie (Desclée de Brouwer) et de L’accueil du temps qui vient : études sur saint Ignace de Loyola (Lessius, 2015), il a dirigé l’édition des Écrits d’Ignace de Loyola (Desclée de Brouwer, 1991). Collaborateur du Père Pedro Arrupe, constate d’abord un trait de tempérament qui leur est commun. Dans la préface des Écrits d’Ignace de Loyola, il affirme :
« La personnalité d’Ignace est faite de contrastes dont l’unité ne se réalise que grâce à l’équilibre de l’action. Rigueur de la raison et goût des ‘grandes choses’ fermeté et tendresse; ‘détermination aussi fixe et immuable qu’un clou vigoureusement enfoncé’ et souplesse extrême devant les situations et les personnes ; regard toujours porté vers le plus universel et passion quasi scrupuleuse pour le détail apparemment infime. (..) Sans doute Ignace lui-même ne pouvait-il parler de sa propre expérience sans détruire l’équilibre qu’elle trouvait à travers l’action quotidienne. (…) De ces doubles tendances, il est seul à assurer l’unité ».
Il n’hésite pas à dire de même à propos du Père Pedro Arrupe :
« Il y avait chez lui une tension entre l’attention au particulier et à l’universel. Il était habité par un mouvement très fort vers l’action et, en même temps, il avait une capacité étonnante de contemplation et de silence. Dans les moments importants ou même difficiles, il disparaissait et allait prier. Oui, il y avait chez lui, comme chez Ignace, une très forte union des contraires. »
P. Robert Rush sj
« J’étais jeune jésuite en formation lorsque j’ai rencontré pour la première fois Pedro Arrupe au Japon, en 1953. Je l’ai connu par la suite comme Provincial, puis Général et comme ami, au Japon et à Rome où je fus assistant régional d’Asie orientale. Je fus aussi le seul témoin de sa thrombose cérébrale à l’aérodrome de Rome à son retour des Philippines et de Bangkok, le 7 août 1981. Pedro Arrupe m’a montré à moi, mais aussi aux jésuites du monde entier – ce que signifiait être Compagnon de Jésus.
Car sa similitude avec Ignace, le fondateur de la Compagnie, allait bien au-delà du sang basque, commun à tous les deux, et de la frappante-ressemblance physique. Elle s’étendait à une profonde parenté d’esprit. C’était la tradition dans laquelle Pedro Arrupe était profondément enraciné. Les années de son généralat ne furent pas une période aisée pour le monde, l’Église ou la Compagnie. Le Concile Vatican Il se terminait tout juste lors de son élection. Une série de changements radicaux se produisirent et fournirent un test pour sa grandeur d’âme. » > Lire la suite
Prier avec Pedro Arrupe
Prière à Jésus-Christ
« Seigneur Jésus, apprends-moi ta manière de regarder : comment tu as regardé Pierre pour l’appeler à ta suite ou pour le relever après sa faute, ou comment tu as regardé le jeune homme riche qui ne s’est pas décidé à te suivre, ou comment tu regardais avec bonté les foules qui se pressaient autour de toi, ou comment tu regardais avec colère les Pharisiens. » > Lire la suite
Tomber amoureux : la prière du P. Joseph P. Whelan sj, ancien Provincial du Maryland (USA)
Cette prière a longtemps été attribuée à Pedro Arrupe… Elle traduit bien sa manière de prier.
« Rien n’est plus simple que de trouver Dieu : cela équivaut à « tomber amoureux », dans un sens absolu, définitif. Si vous êtes amoureux, ce qui va saisir votre imagination affectera tout, désormais. » > Lire la suite
Ressources
Dans la presse
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- « Clôture de l’enquête diocésaine sur la sainteté du père Arrupe » : article de Vatican News du 14/11/24
- « Le P. Pedro Arrupe, une étape vers la sainteté » : article de Zenit du 14/11/24
- « Pedro Arrupe : un pas supplémentaire dans le processus de béatification du jésuite » : article de La Croix du 14/11/24
Site internet
Site internet réalisé par la Curie jésuite à Rome : photos et textes d’archives
Livres et écrits de Pedro Arrupe
Pedro Arrupe, Ecrits pour évangéliser, Desclée de Brouwer – Bellarmin, Paris, 1985.
Pedro Arrupe, Promouvoir la justice, Cerf, Paris, 1985.
Pedro Arrupe, L’espérance ne trompe pas, préface d’Henri Madelin, Le Centurion, Paris, 1981.
Tous les écrits de Pedro Arrupe (en anglais) : the Arrupe Collection du Boston College.
Livres sur Pedro Arrupe
Martin Maier, Pedro Arrupe (1907-1991) ; un supérieur général témoin et prophète, Editions jésuites, Paris, 2016. > En savoir + sur cet ouvrage via La Croix et avec le P. Pierre Emonet sj (article de la revue Choisir de la Province des jésuites de Suisse)
Gianni La Bella, Pedro Arrupe, supérieur général des Jésuites (1965-1983) : Le gouvernement d’un prophète, Lessius, Paris, 2009.
Jean-Yves Calvez, Le Père Arrupe : L’Eglise après le Concile, Cerf, Paris, 1997.
Pedro Arrupe, Promouvoir la justice, Cerf, Vie chrétienne , collection Foi vivante, n° 289. Vie spirituelle, 1992, Paris.
Jean-Yves Calvez, Pedro Arrupe, Écrits pour évangéliser, Desclée de Brouwer – Bellarmin, Paris, 1985.
Films et vidéos
Pedro Arrupe : His Life and Legacy, par Frank Frost Productions, Inc.
Pedro Arrupe, jésuite dans l’église d’après Vatican II, conférence par le P. Martin Maier sj le 02/12/2016 à la Bibliothèque Municipale de Lyon
> Photos : © Archives de la Province jésuite d’Europe occidentale francophone / Curie jésuite à Rome