Pierre Defoux sj, artiste et auteur de BD
C’est au dernier jour du festival d’Angoulême, bien connu des amateurs de BD, que Pierre Defoux nous a quittés.
Clin d’œil ? S’il fut toute sa vie enseignant en divers collèges, c’est surtout comme artiste et auteur de BD que son nom était connu. Un de ses compagnons belges évoque cette figure attachante.
Né en 1924 dans une famille chrétienne (ses deux frères seront prêtres), Pierre entre au noviciat en 1942. C’est à Enghien – ville wallonne où les jésuites français étudient la théologie dans les années 50 – que l’éditeur Dupuis, conseillé par le P. Philippe Sonet, lui demande de dessiner une « histoire en images » (on ne parlait pas encore de BD) pour célébrer les 400 ans de la mort de saint François-Xavier. Il dessine 75 pages (deux par semaine) dans Spirou à partir du 12 février 1953, en signant « Le Ménestrel». Ces pages, en noir et blanc, paraîtront dans La libre Belgique en 1990, avec un album chez Hélyode. Il faudra attendre 40 ans pour qu’il complète, avec 17 nouvelles pages, cette aventure inachevée (Xavier au Japon) et encore 9 ans pour l’intégrale en 2 tomes et en couleurs aux éditions Coccinelle de Durbuy.
En 1962, il dessine 181 pages dans le livre Ces inutiles, propos sur la vie religieuse (éd. Duculot, Gembloux), sur des textes de plusieurs jésuites. Il illustre de nombreux livres, manuels scolaires, revues, sans compter tous les dessins (humoristiques ou ironiques) qu’il offre à ses élèves, à ses amis, à ses paroissiens. Du dessin, il passe à la peinture et aux fresques, aux sculptures, aux vitraux, aux céramiques, mais aussi aux pièces de théâtre et aux émissions de TV scolaire. De toute cette œuvre témoigne le livre Montrez voir, hommage à Pierre Defoux, réalisé par le P.Robert Myle, sj (éd.Fidélité, Namur, 2011) à l’occasion d’une grande rétrospective de son œuvre.
En dehors d’un séjour à Angoulême en janvier 1991 pour dédicacer son album, Pierre ne s’est guère montré dans le milieu de la BD. Il est cependant repris par Jacques Fiérain dans La BD dans les Provinces de Liège, Namur et Luxembourg (éd. L’Âge d’Or, Charleroi, 2004, p.24) et dans La BD chrétienne (Cerf, 1994, pp.61-63). Il meurt à Bruxelles le 3 février 2013, dernier jour du Festival BD d’Angoulême, où ses planches originales du « Xavier » de 1953 et 1993 étaient exposées à la Cathédrale pour la deuxième fois.
Jésuite, prêtre, professeur, Pierre a été en tout un artiste. Le dessin, le sens artistique étaient chez lui un don inné, un talent qu’il a fait fructifier. Mais bien avant d’être l’artiste talentueux et généreux que nous avons connu, lui qui se reconnaissait simplement et modestement traducteur, interprète ou metteur en scène de la Parole, il a été un grand observateur de la nature et des humains. Il a jeté sur eux un regard sympathique, contemplatif et évangélique. L’artiste, en lui, était avant tout un contemplatif.
Il ne suffit pas de voir. Il faut savoir regarder. Pierre fut l’artiste au regard juste, transparent et amical, qui nous apprend à regarder. Ce regard d’artiste chrétien, nous pouvons en tirer profit : son secret c’est de regarder d’abord avec les yeux du cœur. Le renard du Petit Prince de Saint-Exupéry a le mot exact quand il dit « qu’on ne voit bien qu’avec le cœur » et que « l’essentiel est invisible pour les yeux ».
P. Roland Francart, sj
de la Province Belge Méridionale et du Luxembourg
Article publié le 3 juillet 2013