Séverine Durand est la directrice générale des Éditions jésuites. Passionnée de musique et de lecture, elle revient sur son parcours qui lui a permis de découvrir la spiritualité ignatienne et de rejoindre cette maison d’édition.

Longtemps destinée à une vie de musicienne, c’est ainsi que mon parcours commence. Celui, toute jeune, d’une vie à mille temps où tout virevolte, bruisse sans cesse, d’un concert à une scolarité à mi-temps, d’une discipline de fer à une vie sans cesse en mouvement. Une sorte de symphonie d’émotions, de tracs, de rencontres, d’écoute, de joies, d’apprentissages, de travail jusqu’à l’épuisement. Le tout au milieu de la vie tourbillonnante d’une fratrie de sept enfants dont je suis la benjamine. Une famille qui débat passionnément, lit voracement et vit de convictions fortes.

« Je suis la benjamine d’une famille qui débat passionnément, lit voracement et vit de convictions fortes. »

Au milieu de cela, la mesure du silence. Silence pudique de mes parents, intellectuels chrétiens engagés, profondément meurtris par la guerre et le joug du totalitarisme, qui m’ont marquée du sceau de l’engagement, au service des droits humains notamment. J’y consacrerai dix années de ma vie professionnelle et particulièrement, à la lutte contre la torture et la peine de mort.

Silence habité des livres qui, par milliers, peuplent la maison familiale. Je me ressouviens de leurs odeurs, différentes d’une pièce à l’autre, de ma main courant sur chaque tranche au moment du choix et du calme qu’ils apportaient à ma tempête intérieure. Je revois notamment une collection emblématique, bleue. Longtemps soupesée, regardée, interrogée, je ne m’y suis plongée qu’à la sortie de l’adolescence. Ce fut ma première rencontre avec le monde ignatien, celui d’une plongée dans l’univers vertigineux du jésuite Pierre Teilhard de Chardin.

Silence douloureux de la perte de mon art. Lui qui me fut si pleinement donné, il me fut violemment repris. J’en perdis le sens du chemin, la profondeur de la spiritualité, car jamais je n’avais joué autrement qu’en prière. Jouer, c’était prier. Et plus rien ne résonnait désormais. Je décidai alors de quitter la France plusieurs années, ma formation en géopolitique m’amenant à travailler en ambassade. C’est dans cette solitude, au milieu du bush austral africain, au cœur de la misère humaine la plus noire, que cette longue cadence a pris fin, dessinant lentement le chemin de rédemption. De la contemplation venait enfin l’action.

À mon retour, le premier livre que j’achetai fut les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. Et je décidai de ne jamais plus travailler autrement que par conviction.

Aujourd’hui, je mesure la manière dont chaque fil de mon parcours se noue exactement dans le poste que j’occupe au sein des Éditions jésuites. Maison puissamment résiliente, de transmission, d’esprit et de foi, d’ouverture au monde, elle me donne de ne jamais oublier le sens de ce que signifie travailler Ad majorem Dei gloriam. À mes quatre enfants, j’essaie d’offrir le temps du silence. Celui qui doit précéder le mouvement. Et le moment venu, je leur transmettrai aussi cette petite collection bleue.

Séverine Durand Séverine Durand,
directrice générale des Éditions jésuites
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Cet article est paru dans la revue Échos jésuites (été 2023), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement numérique et papier est gratuit. Pour vous abonner, cliquez sur ce lien.

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