Les trois dernières Congrégations générales ont sonné l’alarme au sujet de la montée de « l’intégrisme agressif » (CG 34, D2, # 12) et « un niveau accru de conflit et de polarisation… motivé et justifié par des certitudes religieuses perverses » (CG 36, D1, # 28).

La CG 35 souligne que « la foi en Dieu est de plus en plus utilisée par certains pour diviser les personnes et les communautés, créer des polarités et des tensions qui déchirent le tissu même de la vie sociale commune » (D3, # 22). « Le manque de base morale et spirituelle », comme l’explique la CG 34, « aboutit à des idéologies haineuses et conflictuelles qui provoquent la violence nationaliste, raciale, économique et sexuelle », et multiplie « les abus qui engendrent le ressentiment et les conflits » tout en homogénéisant les cultures « (CG 35). “La société devient alors la proie des puissants et des manipulateurs, des démagogues et des menteurs ; elle devient le centre de la corruption sociale et morale. ” (CG 34, D2, # 12).

Dans presque toutes les religions, quelques soi-disant « vrais croyants » [intégristes] prétendent protéger les croyances de l’érosion et de la contamination. Le fondamentalisme non contrôlé crée toujours des conflits, incités par les fanatiques, conduisant à des affrontements et à des émeutes entraînant souvent des violences qui aboutissent parfois à la guerre. L’intégrisme s’épanouit là où la pauvreté est extrême, tout simplement parce que ces mouvements « intégristes » (fondamentalistes) promettent des avantages et une élévation [que Dieu fournira aux vrais croyants], là où il n’y a plus aucun espoir. Seuls les chefs de ces mouvements en bénéficient. Les intérêts personnels attisent le militantisme religieux dans le but de satisfaire leurs intérêts politiques et  économiques. En Syrie, en Irak, en Turquie, au Soudan du Sud, en Afghanistan, en RDC, les guerres de religion israélo-palestiniennes sont actives et en Inde, au Pakistan, aux Philippines, au Myanmar, etc., l’intégrisme alimente les conflits armés au nom de la religion.

De surcroît, ces dernières années, le fanatisme de droite a connu une très forte croissance dans les pays du monde développé, en particulier en Europe et aux États-Unis. Les partis politiques
d’extrême droite ont effectué des percées majeures lors d’élections conflictuelles dans tout l’Occident. Leur succès aux élections n’est pas récent, par contre l’ampleur de leur succès en
Europe et aux États-Unis est inédite depuis la Seconde Guerre mondiale. Situation assez alarmante pour tous ceux qui croient en la démocratie, l’unité et la diversité. Les campagnes de droite à travers le monde reposent à tort sur deux affirmations essentielles : a) l’amélioration de la situation des pauvres et de la classe moyenne souffrant d’une économie paralysante ; et b) l’arrêt de tous les étrangers : — migrants et autres minorités ethniques ou religieuses — qui, selon la propagande, suppriment des emplois et des identités.

Pour ce faire, les groupes de droite ont très habilement exploité le mécontentement général face à l’insécurité économique, la perte de confiance dans les institutions publiques et la corruption qui gangrène l’ensemble des systèmes politiques et économiques. Grâce à une démagogie flagrante, ils ont réussi à réactiver le côté émotionnel de l’identité fondée sur le nationalisme, le syndrome de l’étranger et la religion pour obtenir le pouvoir et le contrôle. À l’heure actuelle, le nationalisme et le « populisme » sont les nouvelles forces politiques fascistes à l’influence croissante dont il faut tenir compte.

Par contre, les « religions traditionnelles » et les personnes religieuses sont souvent menacées sérieusement par les systèmes de croyances modernes promus par les nouvelles technologies,
l’économie de marché, la mondialisation, l’exclusivisme, l’individualisme, etc. Étant de nature fondamentalement non violente, elles assistent en silence au chaos causé par le lien entre les
fanatiques religieux et les systèmes de croyances modernes des politiques de droite.

C’est dans ce contexte que les trois dernières CG nous ont invités à : a) reconnaître nos attitudes et nos injustices intolérantes envers les autres et à faire face sans préjugés à l’animosité
légitime et aux préjudices subis par les autres ; b) explorer les raisons de la montée des fondamentalismes, des conflits ethniques-religieux-politiques et de la violence ; c) écouter
attentivement et engager un dialogue qui contribue à la paix et à la réconciliation avec d’autres traditions religieuses et spirituelles ; d) établir des liens entre les individus et les communautés
de bonne volonté aux niveaux local et mondial et e) examiner régulièrement nos propres motivations et éviter de tomber dans le piège du fanatisme aveugle.

Le présent numéro de Promotio Iustitiae sur le « Fondamentalisme : le rôle des religions dans la réconciliation » aborde ce problème de trois points de vue :
• D’un point de vue théorique, en examinant les liens entre fondamentalisme,
démocratie et mondialisation
• Du point de vue des religions organisées dans différents pays, en examinant la
tolérance/l’intolérance religieuse et l’harmonie/le désaccord et
• Du point de vue des religions traditionnelles/autochtones, en examinant les défis
auxquels nous sommes confrontés en travaillant parmi elles

Les articles ne présentent pas seulement un paysage troublant au sein duquel agissent les fanatiques religieux, mais ils nous incitent également à nous impliquer dans la construction d’une communauté harmonieuse fondée sur le dialogue avec les religions et les cultures. Ils nous invitent également à réfléchir et à analyser nos propres attitudes à l’égard d’autres religions et cultures, tout en restant fidèles au message éternel de l’amour et de la compassion dans les évangiles.

Original anglais
Traduction Elizabeth Frolet

> Consulter le Promotio Iustitiae n° 126, 2018/2 sur le « Fondamentalisme : Le rôle des religions dans la réconciliation