Que retiendrons-nous de ce qui s’est passé ?
Le P. François Boëdec sj, Provincial des jésuites, partage ce message en temps de confinement et invite à vivre ce Carême, « véritable temps de quarantaine », en s’ancrant encore plus fermement au Christ.
Avec la propagation du virus, nous sommes appelés à vivre un temps de confinement, partageant la réalité de millions d’autres habitants. Nous n’aurions jamais pensé vivre cela, et cette réalité nous touche au plus profond. Cette période nous conduit à regarder notre vie personnelle, familiale, citoyenne… autrement. Et colore de manière particulière notre marche de Carême et notre montée vers Pâques.
Ce temps qui nous est donné nous fait prendre du recul par rapport à nos habitudes, nos engagements, les vraies et les fausses urgences, pour repenser aux véritables priorités de notre existence. Cet espace nouveau est à habiter différemment sans chercher à le remplir immédiatement de plein de choses, comme si nous craignions le vide qui est devant nous.
À cet égard, notre rapport à l’ordinateur et aux réseaux sociaux est révélateur. Si le virus qui touche les hommes avait aussi touché l’informatique ! Par les moyens de communication, nous sommes reliés à beaucoup de personnes auxquelles nous pouvons manifester notre présence et notre solidarité. Les réseaux sociaux nous permettent aussi de suivre l’actualité. Et c’est heureux. À condition que nous restions libres de tous les écrans qui peuvent nous retenir à la surface des choses, dans une immédiateté fascinante qui n’est pas toujours d’une grande aide. Ces jours sont l’occasion de lectures nourrissantes, et de l’accueil du silence et du calme comme une chance.
Conjuguer le temps court avec celui des réflexions et des murissements pour l’avenir
Il nous faut en effet conjuguer le temps court, celui de l’instant présent que nous devons vivre pleinement et intensément, avec le temps long, temps des réflexions et des mûrissements pour l’avenir, car si nous ne savons pas quand nous terminerons ce confinement, nous savons qu’il y aura un « après ». Que sera-t-il ? Nul ne le sait. Que retiendrons-nous de ce qui s’est passé ? Des causes de cette pandémie, et de la manière dont nous et nos concitoyens aurons vécu cette épreuve ? Quels seront les fruits du travail d’intériorité et des changements de priorités ? Déjà peut-on percevoir des questions qui traversent beaucoup de nos contemporains. Elles touchent à la confiance, à la responsabilité, à l’engagement, au deuil, et bien sûr au bilan que l’on fait des actions entreprises, et au sens de nos existences.
Nous ne sommes pas prêts d’oublier ce Carême
Le temps viendra des relectures pour ne pas tourner la page et oublier trop vite, mais pour choisir ce qui est bon pour l’homme, notamment en terme de rythme et de sobriété de vie, de choix politiques, économiques et sociaux. Cela devra nourrir nos projets et nos initiatives apostoliques. La confiance, le courage et la créativité peuvent aussi être contagieux…
Nous ne sommes pas prêts d’oublier ce Carême, véritable temps de quarantaine, qui est pour nous l’occasion de nous ancrer plus fermement encore en Celui en qui nous avons mis notre confiance, trésor qui passe tout, et qui ouvre pour l’humanité les portes de l’avenir.
Dans nos communautés jésuites, des temps de prière et de partage plus nombreux et plus développés aident les compagnons à vivre ces événements et à se tourner vers le plus essentiel, portant ensemble tous ceux qui souffrent ou qui se battent contre la maladie. Nous prenons conscience aussi de la chance de pouvoir célébrer l’eucharistie alors même que tant de chrétiens en sont actuellement privés. Et nous portons dans cette prière eucharistique tous nos proches, mais aussi tous ceux qui souffrent ou qui se battent contre la maladie.
Nous prions Marie, Mère du Sauveur, pour qu’elle nous garde dans la confiance, nous donnant de nous préparer à la joie de Pâques, en accueillant comme elle la venue renouvelée de l’Esprit dans l’ordinaire des jours et le chaos du monde.
P. François Boëdec sj,
Provincial