Portrait : Fr Jérôme Gué sj
Jérôme Gué est jésuite et… frère ! Il témoigne de sa vocation et de son parcours spécifique au sein de la Compagnie de Jésus, au service des jeunes en difficulté.
Il faisait nuit et je traversais l’esplanade du sanctuaire de Lourdes. Moine ou prêtre ? Telle était ma question lors du FRAT, pèlerinage des lycéens d’Île-de-France. Ensuite, au cours de mes études d’ingénieur, j’ai été marqué par le mouvement ATD Quart-Monde, puis par des travailleurs sociaux en Inde, où je vécus deux ans. J’ai trouvé alors dans la Compagnie la voie qui me permet, jusqu’à ce jour, de vivre les deux dimensions – religieuse et sociale – d’un même engagement. Une nouvelle question m’habita : frère ou prêtre ?
C’est lors d’une messe paroissiale que j’ai compris que ma place était dans l’assemblée et non pas sur le « podium ». Autrement dit, je n’avais pas la vocation d’être prêtre. Et je suis très heureux de vivre pleinement la vie jésuite de cette manière, à l’école d’Ignace (autant que je peux…).
Participant au groupe des prêtres-ouvriers jésuites, je devins « frère patron » d’une entreprise d’insertion à Cergy (Val-d’Oise). Ma plus grande fierté, c’était de réaliser des chantiers prestigieux comme repeindre quarante suites d’un hôtel quatre étoiles en face du Louvre. Car ainsi, des jeunes, que beaucoup considéraient comme « racaille » et bons à rien, faisaient la preuve qu’ils pouvaient avoir une place dans la société. Il en fut de même, ensuite, à l’école de production de l’Icam-Toulouse, dans un métier de pointe. Les entretiens éducatifs avec ces jeunes étaient parfois de véritables défis. Comment retrouver en eux le désir d’avancer et le levier qui leur redonnera de la motivation ?
En voyant des jeunes se débattre avec leurs difficultés personnelles, j’ai souvent éprouvé que nous étions de la même « pâte humaine » et j’étais, à titre personnel, davantage conscient de mes propres lieux de combats intérieurs et spirituels. Une sorte de fraternité intérieure, au cœur de nos désirs de vivre et d’être debout.
Il a été question de m’envoyer vivre au Maghreb. Finalement, depuis une vingtaine d’années, je vis avec quatre compagnons au 17ème étage d’un HLM, dans un quartier de Toulouse peuplé de familles majoritairement issues de là-bas. Demeurer dans ce quartier aussi longtemps est une chance : cela me permet de vivre au quotidien avec de vrais amis (paroisse, maison de quartier, mosquées, voisinage…). Pour moi, ces quartiers sont des endroits clés où s’expérimente la société de demain.
Pour finir, j’ajouterai encore que j’aime la cuisine indienne, la méditation bouddhiste Vipassana, les vidéos du jésuite indien Anthony de Mello et la contemplation de la nature, avec notamment une retraite, tous les étés, sous la tente en pleine montagne. Sans oublier une conscience écologique de plus en plus profonde, marquée par l’encyclique Laudato Si.
Article publié le 2 avril 2019