Réparer la relation homme / femme
Dans la période de crise que traverse l’Église pointe l’urgence de refonder la justesse de la relation homme / femme. Anne-Marie Pelletier, théologienne et enseignante au Centre Sèvres, propose pour la revue Vie chrétienne une réflexion stimulante en s’attaquant aux racines du déséquilibre. L’enjeu est celui du courage de la vérité, de l’identité de l’humanité et de sa relation à Dieu.
Quel appel de l’Esprit discerner dans le contexte ecclésial d’aujourd’hui ?
Quel est l’enjeu d’une relation homme / femme juste et équilibrée ?
L’enjeu est d’abord anthropologique et sociétal. Nous constatons que des sociétés qui se mettent à mieux respecter les femmes, qui leur permettent l’accès à l’éducation et aux droits civiques élémentaires, se portent globalement mieux. La promotion des femmes, c’est la promotion de tous. En ce sens, je garde confiance en la capacité des femmes à influer dans l’avenir sur le style de vie et de relations dans des cultures qui vivent encore massivement sous le régime de préjugés qui les minorisent. Non que la partie soit gagnée d’avance, puisque nous savons que simultanément des idéologies de la force virile, de la violence triomphante, trouvent à s’imposer dans la vie politique de nombre d’États. Pourtant, un mouvement irrésistible s’est mis en marche. De surcroît, qui fréquente les Écritures bibliques sait, ou devrait savoir, que la relation entre hommes et femmes qualifie en son centre l’identité de l’humanité. C’est d’ailleurs une métaphore nuptiale qui est sollicitée par la révélation biblique pour dire Dieu et sa relation à Israël. À partir de quoi le Nouveau Testament proclame par la bouche de Paul que, « dans le Christ, il n’y a plus ni homme ni femme » (Galates 3,28), à entendre comme l’affirmation que tout ce qui existe entre eux de rivalité, de domination et d’hostilité dont nous savons qu’elle peut être homicide, tout cela doit pouvoir être surmonté dans le Christ. Ainsi la nouveauté des temps que proclame l’Évangile est éminemment concernée par cette réalité.
Comment réparer la relation homme / femme dans l’église ? Et de quelles ressources dispose l’église pour cela ?
Par quoi commencer pour réformer l’équilibre de la relation entre les sexes dans l’église ? Faut-il repenser la place de la femme dans l’institution ?
Je penserais volontiers que la première nécessité concerne notre ecclésiologie. Il nous faut absolument retrouver l’unité de la vie chrétienne comme vie baptismale partagée par tous et toutes. Et cela en deçà des partages et hiérarchies qui se sont progressivement instaurés, et dont les femmes sont les premières à faire les frais. Cette urgence ne concerne pas simplement les théologiens en charge du discours ecclésiologique. Cette réalité de l’identité baptismale partagée doit devenir sensible à tous. Elle doit donc être enseignée au plus près du « terrain », autrement dit être l’objet de la prédication commune. En conséquence de quoi, s’il est vrai que tous ont part à la plénitude de vie filiale à laquelle introduit le baptême, alors les femmes – sans accès au sacerdoce ministériel dans notre régime présent – sont concernées par le même appel, la même responsabilité que les hommes qui, dans l’institution ecclésiale, concentrent aujourd’hui l’autorité et le prestige, à travers l’exercice du ministère presbytéral. Dire cela n’amoindrit pas le sacerdoce presbytéral dans sa spécificité. Cela permet de le situer correctement. Tout comme cela permet de reconnaître et d’honorer comme de véritables ministères les innombrables services qui sont assumés aujourd’hui par les femmes dans la vie de l’Église. De quoi renouveler en profondeur le visage de celle-ci et les relations qui s’y vivent au quotidien.
Anne-Marie Pelletier
Qui est Anne-Marie Pelletier ?
Anne-Marie Pelletier est Agrégée de Lettres modernes et Docteur en sciences des religions. Lauréate du prix Ratzinger en 2014. Auteur de L’église, des femmes avec des hommes, Cerf, septembre 2019.
Notes
1. Enzo Bianchi relit en ce sens les Évangiles dans un récent et précieux livre sur Jésus et les femmes, affirmant que si (Bayard, 2018) « l’exemple de Jésus redevenait le guide sûr du vivre aujourd’hui l’Évangile, et si, hommes et femmes, nous apprenions à marcher ensemble dans la diversité réconciliée », c’est tout le corps ecclésial qui serait transformé.
> Source : revue Vie chrétienne, n°63, janvier 2020
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Article publié le 3 février 2020