Saint Ignace de Loyola en bande dessinée
À l’occasion de l’année ignatienne et du rassemblement « Au large avec Ignace » à Marseille, les jésuites proposèrent un album de bande-dessinée dédié au fondateur de la Compagnie de Jésus. Une BD novatrice, pleine de rebonds et d’humour pour raconter la conversion intérieure d’Ignace, gentilhomme espagnol.
L’attrait de la Compagnie de Jésus pour l’image n’est pas nouveau : dès ses origines, elle s’en est très rapidement emparée pour témoigner du Christ ; les fresques des églises baroques en sont un bel exemple. Riche de cette tradition iconographique, cette nouvelle BD veut rejoindre chacun, croyant ou non croyant, de 7 à 77 ans, pour l’inviter à vivre une expérience spirituelle, et faire comprendre en quoi l’expérience d’Ignace rejoint celle de nos contemporains. La vie d’Ignace de Loyola n’est pas guidée par une volonté qui se brise au contact de la réalité, comme la crise du Covid aujourd’hui, mais par le discernement, animé d’un réel amour du Christ, sa boussole de vie. Dans cet album, le récit n’est pas linéaire mais centré sur cinq moments précis de la vie d’Ignace, autant de conversions qu’il a vécues et qui invitent à l’intériorité.
Pour scénariser cette bande dessinée, Étienne de Forges, jésuite en formation, avec l’aide du P. Michel Kobik sj s’est appuyé sur les écrits d’Ignace. Leur scénario a ensuite été confié au dessinateur Quentin Denoyelle.
Recension de la bande-dessinée Ignace de Loyola par le P. François Philips sj
« Cet ouvrage n’a pas eu vocation à raconter toute la vie d’Ignace, mais simplement cinq moments charnières de sa vie, où il a appris à découvrir Dieu en toute chose ». Cet avertissement des auteurs, placé en fin de volume, aurait mieux trouvé sa place dans une reprise du titre de la couverture provisoire : « Voir Dieu en toute chose. Cinq ruptures de la vie d’Ignace de Loyola ». Car on s’attend alors à une biographie.
Le projet est donc original en cette année qui célèbre les 500 ans de la conversion de ce basque espagnol (1521-1522), fondateur de la Compagnie de Jésus. La couverture actuelle montre un Ignace rêveur devant le soleil se couchant sur Rome. Le dessin peut paraître au premier abord naïf ou enfantin, mais que l’on ne s’y trompe pas : quand il ouvre la BD et parcourt les pages, le lecteur réalise qu’il rend de manière très expressive le cheminement intérieur d’Ignace, en particulier par ses yeux exorbités. Beaucoup passe en effet à travers le regard des personnages. Cette BD est le fruit d’une collaboration heureuse entre Quentin Denoyelle, le dessinateur, jeune Français résidant en Belgique, et Étienne de Forges, jeune jésuite aux études à Paris.
Le lecteur suit Ignace convalescent après sa grave blessure au siège de Pampelune ; vivant en pèlerin à Jérusalem ; inquiété et jeté en prison par l’Inquisition ; se consacrant à Dieu avec ses premiers compagnons à Montmartre ; délibérant avec eux au sujet de la fondation d’un nouvel ordre religieux. Mais la BD commence par trois pages aux images symboliques, où Ignace exprime sa reconnaissance à Dieu pour sa présence fidèle dans toutes les circonstances de sa vie. « C’est en effet par des renoncements successifs qu’il s’exercera à voir Dieu en toute chose et fera l’apprentissage de la liberté intérieure ». Chacun des cinq chapitres, de 8 à 10 pages, est introduit par un dessin humoristique et par une annonce à l’ancienne, comme celle-ci : « Ch. 1. Le boulet. Où Ignace de Loyola, gentilhomme basque, rêve de chevalerie et où un boulet de canon fait une entrée inattendue ». Une page entière y met en scène de façon colorée et dynamique les mouvements intérieurs contradictoires qui agitent le héros et qui le conduiront vers le discernement des esprits (p. 13). L’embrasure de la porte et de la fenêtre est en forme de serrure durant sa convalescence à Loyola, mais d’une croix quand il prie avant de se rendre à Rome.
Un dessin le montre passant de l’ombre à la lumière en approchant de Jérusalem (p. 19). Sa rencontre avec le supérieur des Franciscains a des notes impressionnistes, tandis que sa prière au Mont des Oliviers est toute intériorité (p. 24). Se mettant à l’étude, ses pensées de Dieu le distraient sous l’apparence de petits monstres qu’il doit chasser… On le voit enseigner sa méthode de prière, basée sur des exercices concrets, à un jeune homme, qui pourrait être d’aujourd’hui. Celui-ci se met à contempler avec tous ses sens le Christ de l’évangile et il en éprouve une grande joie (p. 31).
C’est un grand cœur lumineux qui récapitule toutes ses réponses théologiques aux questions des inquisiteurs. Les Exercices spirituels qu’il prêche aux Vénitiens auront le même aspect… En deux pages remarquables, les auteurs expriment, simplement et clairement, le rôle du pape, la vocation des premiers compagnons de Jésus et leur processus de délibération et de discernement pour rester unis dans la dispersion de missions différentes (pp. 48-49). À la fin de la BD, le texte prend le pas sur l’image pour offrir un abrégé de la démarche des Exercices spirituels, ou comment Ignace désire imiter le Christ pauvre et humble, qui se rend proche de tout être humain et qui annonce la Bonne Nouvelle du Royaume.
Une présentation volontairement jeune, légèrement décalée, de cinq étapes importantes de la vie d’Ignace, au langage abordable par tous et centrée sur l’essentiel, dont l’humour traduit la joie. À travers un dessin plus expressionniste qu’esthétique, parfois stylisé ou actualisé. Une découverte ou une relecture riche de sens et d’inspiration.
P. François Philips sj (Wépion)
Témoignage du dessinateur Quentin Denoyelle
« Aumônier d’hôpital et dessinateur, je cherche depuis toujours à communiquer et à rendre visible l’Amour qui vient de Dieu : à l’hôpital, cela passe par une qualité de la présence, par un sourire offert, par un visage de lumière. Dans le dessin, c’est la même chose : exprimer l’expérience d’union à Dieu par la beauté et le mouvement, chercher un visuel qui fait signe de cet Amour. Bref rendre visible, l’invisible. » Quentin Denoyelle
Étienne de Forges sj, Quentin Denoyelle, Ignace de Loyola, Editions Jésuites Fidélité, octobre 2021
Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (été 2021), la revue trimestrielle des jésuites d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit.