Sur les pas de saint Pierre Favre, par le P. Pierre Emonet sj

Pierre Favre, compagnon d’Ignace et premier prêtre de la Compagnie de Jésus, a été choisi comme saint patron de la Province d’Europe occidentale francophone (EOF). Fin connaisseur du saint, auteur d’une biographie pleine d’humanité et éditeur de sa correspondance, le jésuite suisse Pierre Emonet témoigne de ce que Pierre Favre peut inspirer aux jésuites et laïcs d’aujourd’hui.

Le premier élément frappant, chez Pierre Favre, est sa mobilité. « Il semble qu’il soit né pour ne rester en place nulle part », écrivait-on de lui. Italie, Allemagne, Espagne, Portugal, France : au nom de l’obéissance, Pierre parcourt, à pied ou à dos de mule, entre 15 000 et 20 000 km, de 1539 à 1546. Le Savoyard traverse les principaux pays européens agités par les convulsions politiques et religieuses héritées de la Renaissance. La France et l’Allemagne sont en guerre, les armées de Charles Quint et de François Ier s’affrontent jusqu’en Italie ; la réforme de Luther devient une vraie force politique en Allemagne ; l’Espagne et le Portugal rivalisent d’ambitions au-delà des mers. En Europe, la foi traditionnelle et la pratique religieuse faiblissent, tandis que la corruption des clercs, le commerce des indulgences et la course aux bénéfices ecclésiastiques discréditent l’Église.

Réformer de l’intérieur

Envoyé en mission sur les principaux fronts de l’époque, Pierre Favre n’est pas seulement le témoin de ces bouleversements, il s’y implique activement. Fidèle, courageux et bon, le docteur parisien n’ignore rien de la gravité des débats théologiques en cours, mais il croit plus aux vertus du cœur qu’à celles de la pensée académique. Doué d’une capacité d’empathie exceptionnelle, il rejoint ses interlocuteurs sur leur propre sillon, sans jamais les juger ou les disqualifier. Attentif à ce qui unit les hommes plus qu’à ce qui les oppose, il écoute,  dialogue, conseille et prie. Authentique réformateur, il préfère construire en aidant les fidèles à se réformer par les Exercices spirituels dont il est, selon Ignace, le meilleur interprète.

Une figure de l’ombre aujourd’hui canonisée.

En dépit d’une vie mouvementée et mêlée à toutes les turbulences politico-religieuses, Pierre Favre, resté dans l’ombre de ses célèbres compagnons Ignace de Loyola et François Xavier, n’a guère suscité l’intérêt des auteurs. C’est le pape François qui a remis son nom sur le devant de la scène en le canonisant, le 17 décembre 2013. Pierre Favre n’est apparemment qu’un jésuite ordinaire, dont toute la richesse est intérieure. Rien de spectaculaire dans sa vie, à part cette disponibilité qui le fait voyager à travers l’Europe. Il n’a légué à la postérité ni oeuvre ni fondation particulière. Chez lui, l’essentiel est l’aventure intérieure, son étonnante capacité à sauvegarder l’unité de sa vie au milieu de tant de changements géographiques, culturels et religieux. « Né pour ne jamais s’arrêter », le discret jésuite savoyard réapparaît aujourd’hui, incarnant une spiritualité et un style pastoral pour temps de crise. À une génération désenchantée, qui fait volontiers profession de scepticisme, Pierre Favre indique le chemin de la connaissance de soi-même, de la paix et de l’amour du Christ. Il incarne « l’Église en sortie » que le pape François appelle de ses vœux. Une Église capable, comme lui, de s’en aller sur les chemins du monde, sans jamais s’arrêter, pour rejoindre les hommes de son temps sur leur propre sillon.

Biographie

Pierre Favre, né en 1506 dans le duché de Savoie, est, avec François Xavier, le premier compagnon d’Ignace de Loyola. À Montmartre, en 1534, il préside l’eucharistie pendant laquelle les premiers jésuites prononcent leurs premiers vœux. Dès la fondation de la Compagnie de Jésus, Pierre commence une vie itinérante missionnaire à travers l’Europe. Il donne les Exercices spirituels, il est confesseur des rois et des princes, conseiller des nonces et des légats pontificaux, il dialogue avec les luthériens. Épuisé par cette vie, l’humble Savoyard décède à Rome le 1er août 1546. Longtemps resté dans l’ombre, reconnu bienheureux en 1872, il est canonisé par le pape François le 17 décembre 2013, qui le présente comme son « jésuite préféré ».

Aller plus loin :

> La vidéo et le texte de la conférence « Pierre Favre et les jésuites aujourd’hui », de Pierre Emonet sj (Namur, 2017) :

> Pierre Emonet sj, Pierre Favre (1506-1546). Né pour ne jamais s’arrêter, Coll. Petite Bibliothèque Jésuite, Lessius (Éditions jésuites), 2017 • 216 p. • 14,00 €

> Pierre Favre sj, Lettres et instructions (trad. Pierre Emonet sj), Coll. Christus, Lessius (Éditions jésuites), 2017 • 400 p. • 25,00 €

> Prier 15 jours avec saint Pierre Favre, Coll. Prier 15 jours, n°172, Nouvelle Cité, 2014 • 128 p. • 12,50 €

Article publié le 1 août 2018

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