Un an après la publication du rapport de la CIASE

Le 5 octobre 2021, la CIASE remettait son rapport sur les violences sexuelles dans l’Eglise catholique. Le P. Grégoire Le Bel, assistant du Provincial de jésuites, explique ce qui a été mis en place depuis un an au sein de notre Province jésuite. Agnès Delépine, nommée responsable de la cellule prévention et écoute en mars 2022, présente sa mission.

Le rapport de la CIASE a été publié il y a un an. Comment avez-vous accueilli ce rapport ?

Nous l’avons accueilli avec un profond effroi : l’ampleur des abus commis, la souffrance des victimes, leurs témoignages bouleversants… tout cela nous a accablés. D’autant plus que nous savons qu’il y a parmi les agresseurs des jésuites et que nous avons, nous aussi pu, par le passé, privilégier la défense de l’institution plutôt que la parole des victimes.

Nous avons aussi été très reconnaissants du travail réalisé avec beaucoup de courage et de rigueur par les membres de la CIASE qui ont été confrontés au mal et aux conséquences dramatiques des abus commis par des clercs. Les regards de spécialistes de domaines scientifiques et universitaires ont été précieux pour mener ce travail de vérité.

Ce rapport a été publié trois semaines avant le grand rassemblement ignatien de la Toussaint à Marseille. Certains, jésuites et membres de la famille ignatienne, se sont demandés s’il y avait encore, dans ce contexte si particulier, possibilité de célébrer cet anniversaire ignatien et de se réjouir. Les participants sont arrivés très marqués par les paroles des victimes, avec le souhait de pouvoir parler et échanger sur ce sujet grave et plusieurs temps ont permis cela. Le jour de la Toussaint, le P. Arturo Sosa a demandé pardon aux victimes qui ont souffert parce que les jésuites n’ont pas cru à leur parole, à leur témoignage, lorsqu’elles ont eu le courage de nous dire la vérité.

Depuis un an qu’est-ce qui a changé ?

Nous avons réfléchi et revu la composition de notre cellule d’accueil et d’écoute des victimes mise en place en 2015 pour la Belgique et 2016 pour la France. En mars 2022, Agnès Delépine en a été nommée responsable. Formée à la médiation et à l’écoute, elle nous apporte ses compétences et un regard extérieur sur les situations d’abus dont nous avons connaissance.

Depuis février 2022, nous travaillons avec la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR). Créée par la CORREF, à la suite de la publication du rapport de la CIASE, elle donne la possibilité aux victimes de demander réparation et reconnaissance des abus subis.

En mars dernier, nous avons contacté 60 personnes victimes afin de leur donner tous les éléments leur permettant de prendre contact avec la CRR. Nous avons depuis des échanges très réguliers avec la CRR, en lien étroit avec les victimes pour connaitre leurs attentes. Pour plusieurs d’entre elles, cela a donné lieu à une réparation financière. Nous envisageons aussi un temps mémoriel que nous penserons et concevrons avec les personnes victimes.

Nous poursuivons par ailleurs notre travail de prévention au sein des institutions jésuites. Ainsi des protocoles communs sont en cours de rédaction pour les Centres spirituels afin de garantir un accompagnement spirituel ajusté. Ce travail est aussi mené dans les lieux liés à la pastorale de la jeunesse avec par exemple la rédaction de protocoles pour la Maison Magis à Paris.

Enfin nos centres de formation et nos revues ont souhaité aussi contribuer à la réception du rapport et à ce chantier mis en place dans l’Eglise avec notamment un cycle de conférences proposé par le Centre Sèvres en partenariat avec le Collège des Bernardins et l’ICP.

Nous avons par ailleurs communiqué régulièrement aussi bien dans nos médias que via les associations d’anciens élèves sur des situations d’abus afin d’aider toute personne à prendre contact avec notre cellule d’accueil et d’écoute ou avec la CRR.

Portrait d’Agnès Delépine, responsable de la Cellule écoute et prévention des abus

Agnès Delépine J’ai travaillé au sein d’un même groupe industriel pendant 30 ans : 10 ans au service des ressources humaines ; 10 ans au service commercial et marketing. Puis, après un diplôme d’État à la médiation familiale et une certification de coaching, j’ai exercé pendant 12 ans en libéral tout en poursuivant à mi-temps mon activité en entreprise. Responsable de la Cellule écoute et prévention des abus dont fait partie l’assistant du Provincial., je participe à la mission d’accueil des victimes et de prévention des abus dans laquelle la Compagnie de Jésus s’est résolument engagée ces dernières années. Concrètement, il s’agit d’accueillir et d’écouter avec bienveillance les personnes victimes d’abus de la part de jésuites et qui sortent du silence. L’enjeu premier est qu’elles trouvent un chemin de réparation, notamment en lien avec la CRR. Ma mission est aussi de veiller à la prévention des abus : il s’agit de soutenir le développement des formations à la prévention des risques de relations inappropriées, que ce soit au sein de rencontres interpersonnelles telles que les accompagnements spirituels, ou dans les établissements scolaires, les Centres spirituels ou toute œuvre de notre Province EOF. Faire la lumière sur les abus mis en évidence par le rapport de la CIASE invite à la conversion de chacun et à la réflexion au sein de chaque institution.

Pour approfondir

  • Lutte contre les abus sexuels : où en sont les jésuites ? > Lire l’article
  • Les jésuites s’engagent dans le processus de réparation des abus en lien avec la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) > Lire l’article

Sur le même thème

Article publié le 21 octobre 2022

Aller en haut