Le P. Christoph Theobald sj était l’un des experts de la XVIe Assemblée du Synode des évêques « Pour une Église synodale », qui s’est déroulée à Rome du 4 au 29 octobre 2023. Une expérience forte lors de laquelle « l’Esprit a soufflé ».

« Le frère et la sœur appuyés sur le frère et la sœur sont comme une forteresse imprenable« . Cette reformulation inclusive d’un proverbe biblique (Pr 18,19) me vient à l’esprit quand je repense à ce qu’il m’a été donné de vivre comme expert de l’Assemblée synodale. Au lieu de l’ancienne disposition en gradins, 36 tables accueillaient les 365 délégués, dont 54 femmes (en réalité plus nombreuses car une moitié des facilitateurs des 36 groupes étaient des femmes) et 3 autres, les théologiens et théologiennes ; on circulait aisément et une joyeuse mixité s’installait pendant les longues pauses café. À l’exception de la première et de la dernière congrégation générale, les évêques et cardinaux ont abandonné leurs soutanes. Une nouvelle image de l’Église s’est ainsi manifestée, contrastant singulièrement avec l’ancienne disposition en gradins. Seules de nouvelles pratiques, j’en suis convaincu, permettent une réforme en profondeur de l’Église !

Synode 2023 (c) Vatican Media

Les groupes de travail disposés en 36 tables – © Vatican Media

Dès le début, une joie grave s’est emparée de l’Assemblée, portée par l’enthousiasme de la célébration œcuménique et de l’inédite retraite des pères et mères synodaux, lestée les derniers jours de la fatigue, mais aussi du contentement d’avoir mené la mission reçue jusqu’au bout. Une joie grave ! Car nous avons vu passer les délégués de toutes les Églises locales du monde, entendu leurs expériences heureuses, touché les lourdes souffrances de tel pays en guerre, du Soudan, de l’Ukraine, d’Israël et de la Palestine, et réalisé les menaces que beaucoup de chrétiens affrontent pour vivre leur foi. Deux types d’interventions, chacune guère plus longue que trois minutes, ont rythmé les congrégations générales : les remontées des conversations spirituelles autour des tables (circuli minores, les groupes de travail) ont alterné avec des prises de parole individuelles. Si les premières laissaient paraître des consensus, les secondes nous faisaient découvrir l’étonnante diversité des réponses aux questions posées à l’Assemblée par l »Instrument de travail ».

Un climat de prière et de discernement

Ce sont en effet ces questions, élaborées durant les phases diocésaine, nationale et continentale du Synode, qui ont orienté les cinq étapes de notre cheminement. La vision d’une Église synodale en mission : « Église, que dis-tu de toi-même, aujourd’hui ? » – question que Paul VI avait déjà posée, il y a soixante ans, pendant le concile Vatican II – a été le sujet de la première étape. Puis trois autres ont suivi. Comment vivre et réformer l’échange – aussi œcuménique – entre toutes les Églises ? Comment donner davantage de place à la co-responsabilité de tous au service de la mission de l’Église ? Et comment, dans une Église synodale, rendre possible une réelle participation de tous à la gouvernance de l’Église ? Chacune de ces quatre étapes a été introduite par l’eucharistie du Synode à la basilique Saint-Pierre (préparée par les différents continents) et la présentation de la thématique à traiter, avant deux demi-journées de discernement dans les circuli minores, trois demi-journées de congrégation générale, pendant lesquelles nous écoutions les remontées et de nombreuses interventions individuelles, et, pour finir, une dernière séance, laissant chacune des 36 tables mettre par écrit le fruit de cette longue écoute dans un climat de prière et de discernement. À nous, les experts, il incombait alors la tâche de recueillir ces fruits et de préparer le document de synthèse discuté par l’Assemblée lors de la cinquième et dernière étape, et finalement adopté le samedi 28 octobre.

Une méthode d’inspiration ignatienne

La méthode de la « conversation dans l’Esprit » a largement contribué au climat paisible dans lequel s’est déroulé cet exercice d’écoute très exigeant et fatiguant, car souvent médiatisé en cinq langues officielles et un service de traduction simultanée. D’inspiration ignatienne, elle invite en effet non seulement à écouter les autres, mais aussi à repérer les résonances en soi-même de ce qu’ils disent, à les partager en vérité et, dans un troisième temps, à recueillir les – larges – consensus atteints par le groupe (et ensuite par l’Assemblée) et les dissensions qui subsistent. Il est normal que sur des questions aussi complexes que l’intégration des personnes LGBTQ, l’accès des femmes au ministère diaconal et la réforme du gouvernement ecclésial, les avis soient partagés. Une limite de la méthode apparaît ici ; car ces questions auraient mérité un traitement plus argumenté, soutenu par les théologiens présents qui ont regretté que leur expertise soit restée trop marginale.

Tout compte fait, ce synode est une « première » depuis Vatican II, encore inachevée, mais déjà repérable comme nouveau passage historique sur l’itinéraire déjà long des Églises et, à ce titre, je le crois fermement, l’œuvre de l’Esprit Saint.

P. Christoph Theobald sj synode P. Christoph Theobald sj,
communauté Saint-François Xavier à Paris (Grenelle)

livre sur le synode du pere christoph theobald jesuite - éditions salvator Un livre

Pour mieux cerner les véritables enjeux du Synode sur la synodalité, voie de pacification et de créativité pour affronter les difficultés que traverse l’Église, le P. Christoph Theobald sj publie le livre Un nouveau concile qui ne dit pas son nom ? Le synode sur la synodalité, aux éditions Salvator.
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La synodalité, source de dynamisme et de joie à Saint-Paul de la Plaine : témoignage

La maison d’Église Saint-Paul de la Plaine se situe au cœur du quartier populaire et multiculturel de la Plaine Saint-Denis, dont la grande diversité rejaillit sur l’église. Deux fois par an, à l’occasion d’un conseil synodal, pas moins de 30 personnes de tous horizons discernent les appels et nouveaux projets. Régulièrement, lors de la messe dominicale, tous sont invités à échanger sur un aspect de la vie de la communauté ecclésiale, les besoins du quartier ou un aspect de la foi de chacun… Bref, à Saint-Paul, la synodalité est un peu une manière d’être où les occasions ne manquent pas de prendre la parole pour vivre ensemble notre foi en Jésus Sauveur et faire surgir toutes sortes de propositions. Une vraie source de dynamisme et de joie.
P. Jacques Enjalbert sj, recteur de Saint-Paul de la Plaine