« Voir toute chose nouvelle en Christ » : témoignage du P. Noël Couchouron sj, aumônier de la chapelle rénovée de l’établissement scolaire jésuite Saint-Louis de Gonzague
Le P. Noël Couchouron sj, aumônier de Saint-Louis de Gonzague-Franklin à Paris, revient l’histoire de la chapelle de l’établissement scolaire jésuite, sa rénovation en 2021 et la messe de la dédicace de l’autel le 26 mars dernier.
Rénover la chapelle de 1935 en repensant l’ordonnancement liturgique selon les normes du Concile Vatican II, voilà le défi qui se présentait à la « commission chapelle », qui a réuni pendant plus de cinq ans des membres de l’association Saint-Louis de Gonzague, la direction de l’établissement, l’association immobilière, l’association des anciens, les architectes Jean-Marie Duthilleul et Benoît Ferré, ainsi que le P. Jean-Marc Furnon sj, puis moi-même, en tant qu’aumôniers successifs de l’établissement.
Du temps où Henry Viollet (1880-1955), disciple d’Auguste Perret (1874-1954), dessina les plans du « Super Franklin », l’époque des Expositions universelles et coloniales était proche, non seulement dans le temps, mais aussi dans l’espace, car de nombreux pavillons nationaux s’exposaient en bord de Seine, dans le voisinage du village de Passy. Ces expositions suscitèrent un élan de constructions d’édifices religieux sur la colline de Chaillot, dont témoignent notamment notre chapelle et l’église Saint-Pierre de Chaillot.
La rénovation devait être fidèle à la structure cubique de la chapelle de style Art Déco, qui devient évidente dès lors qu’on fait abstraction des tribunes. Elle devait aussi conserver cet escalier monumental qui ne présente qu’un seul élément de comparaison, dans tout le patrimoine religieux français : celui de l’église Notre-Dame des Missions à Épinay-sur-Seine. Cette église accueillit en effet le transfert de l’escalier de type « palais italien » du Pavillon du Vatican à l’exposition coloniale de Paris (1931). Quand on sait que la visite de ce pavillon par le P. François Berlier de Vauplane sj (1883-1939), alors Recteur de l’Institution Saint-Louis de Gonzague, est attestée, on peut considérer que cet escalier illustre deux réalités qui donnent toute sa raison d’être à notre chapelle : d’une part, par cette mention du Pavillon du Vatican, l’escalier rappelle que les jésuites se tiennent dans une relation « affective et effective » avec le pape, vicaire du Christ sur la Terre ; d’autre part, il traduit la vision pédagogique audacieuse du P. François Berlier de Vauplane sj, établissant la foi et les efforts consentis dans la foi au fondement de la réussite, conformément à la devise des Gonzague : « Olympos Fides ».
L’architecte Jean-Marie Duthilleul rappelait récemment qu’il a fallu plus de trois ans de recherches et d’échanges de la commission pour concevoir comment concilier l’usage de la partie basse de la chapelle, adaptée à la contenance d’une seule division d’élèves, en-deçà du grand escalier, avec celui de la chapelle dans son ensemble, incluant les deux étages supérieurs. Ainsi, dans la partie basse, deux rangées parallèles de trois rangs de stalles parsemées de petites torches créent une atmosphère chaleureuse, qui porte à la prière. Les parois latérales des boiseries font ressortir les vitraux du chemin de croix de Lardeur, de 1935. Dans la partie haute, l’autel est réduit en largeur et un peu avancé, signifiant le Christ au premier regard.
Dans la « configuration basse », la croix disposée au centre du grand escalier et entourée de six flamberges ferme l’espace de la partie basse. Ce dispositif se translate autour de l’autel majeur quand il faut ouvrir la célébration au plus grand nombre. L’autel du bas devient alors la crédence sur laquelle on présente les offrandes eucharistiques et l’ambon de la Parole trouve sa place à la gauche de l’escalier monumental. La proximité du lieu de proclamation de la parole et de la sculpture de la Vierge Marie, sur un granit rehaussé par endroits à la feuille d’or, matérialise le fait que « le Verbe s’est fait chair » en Marie. Joseph est représenté dans le même style, sur la droite, au-dessus d’un tabernacle d’abord imaginé comme « buisson ardent », « colonne de feu » ou « tente de la Rencontre », en référence au Pentateuque.
La fresque d’Henri De Maistre (1891-1953), disciple de Maurice Denis (1870-1943) a été restaurée et ses teintes apparaissent maintenant davantage en tons pastel. Au plafonnier, l’éclairage de la croix d’or la fait désormais ressortir sur fond de ciel. Les bleus, celui de la croix, et le bleu-gris de plus en plus estompé des « nuages », à mesure qu’ils s’étendent vers les côtés, sont empruntés à la fresque elle-même. On remarque, en haut des marches et autour de l’autel majeur, le lissage des mosaïques, magnifiquement rendu. Les tonalités de couleurs ont changé, depuis les tonalités blanc-cassé-rose de l’ancienne chapelle jusqu’aux dominantes de bleu actuelles, soulignées par la teinte des boiseries, l’ensemble faisant ressortir les bleus, blancs, jaunes lumineux avec des pointes de rouge des vitraux restaurés.
Le samedi 26 mars 2022 a eu lieu la messe de bénédiction de la chapelle et de l’autel de la partie basse avec la dédicace de l’autel majeur présidée par Mgr Thibault Verny, pour la communauté de Franklin réunie au grand complet, en présence de nombreux prêtres amis et de nombreux jésuites. La liturgie « parlait d’elle-même », notamment au moment de l’onction de l’autel :
« Dieu de gloire et de sainteté,
Toute croissance dans la foi et dans l’amour vient de toi.
Comme cette huile sainte va marquer cet autel,
Imprègne de ta grâce et de ta joie les fidèles
Qui viendront ici communier au mystère du Christ
Qui s’est offert à toi pour la vie du monde,
Et qui règne avec toi pour les siècles des siècles. »
Depuis cette messe, l’autel majeur contient des reliques de deuxième ordre (matériaux ayant touché le corps des saints) de plusieurs saints majeurs de la Compagnie de Jésus : saint Ignace de Loyola, saint François-Xavier, saint Louis de Gonzague, saint Jean Berchmans, saint Stanislas Koska, saint Jean-François Régis, saint André Bobola, saint François de Borgia, saint François de Iéronimo, saint Jean de Goto, saint Jacques Kisai, saint Paul Miki et les martyrs du Japon, saint Alphonse Rodriguez, saint Pierre Canisius et saint Jean de Brito…
Notons que l’acoustique s’est améliorée, notamment grâce au parquet, aux boiseries, au lambris sous la fresque et à la disparition du tapis du grand escalier. Je l’ai particulièrement remarqué en entendant la magnifique Sonate pour violon et piano de César Franck interprétée le 4 avril dernier par Renaud Capuçon et Claire-Marie Leguay. Voilà qui est de bon augure pour le projet d’orgue confié au facteur Julien Marchal de la Manufacture d’Orgues Yves Koenig établie à Sarre-Union en Alsace. L’instrument sera conçu spécialement pour accompagner la Maîtrise, tout en permettant l’interprétation d’un vaste répertoire. Du point de vue stylistique, il sera suffisamment « typé » pour permettre l’interprétation de la musique d’orgue allant de Bach à Mendelssohn, sans exclure les compositeurs plus modernes.
Terminons en remarquant les éléments qui mettent en évidence le sens d’une véritable « pédagogie de la foi » dans notre chapelle, en rappelant la progression des étapes décisives de la réception et de la consolidation du don incommensurable que constitue la foi au Christ :
- Le baptistère rappelle l’entrée dans l’Église par le baptême. Le Christ communique à tout baptisé l’Esprit Saint, qu’il peut recevoir à nouveau à la manière des apôtres à la Pentecôte, lors de sa confirmation, étant alors appelé à assumer la mission unique que Dieu lui confie dans le monde et dans son Église.
- L’ambon de la Parole marque le lieu de la proclamation de la Parole de Dieu au centre de la chapelle basse. Doué de l’Esprit de sagesse et d’intelligence, tout baptisé se fait disciple du Christ en gardant sa parole, en la méditant, en s’autorisant à lui répondre et à relire la présence de Dieu dans sa vie, dans le cadre du dialogue qu’est, en vérité, la prière personnelle.
- La table de l’Eucharistie fait face à la table de la Parole, signifiant ainsi le lien entre elles deux, qui se traduit dans « l’admirable échange » entre le ciel et la terre dont le Christ s’est fait le parfait médiateur, et avec lui tout prêtre qu’il envoie en son Nom.
Cette chapelle, avec les variations de la lumière du jour et de ses éclairages constitue finalement, en toute saison et à tout moment du jour ou de la nuit, le lieu privilégié qui inspire la prière, où la présence du Seigneur s’offre à votre présence : venez y prier !
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Article publié le 30 mars 2022